Récemment, l’étiquette ECM publiait deux excellents albums mettant en vedette le vétéran guitariste Bill Frisell et le contrebassiste Thomas Morgan, soit Small Town (2017) et Epistrophy (2019). Avec la parution du tout chaud Valentine chez Blue Note, un troisième joueur se joint à la partie en la personne du batteur Rudy Royston, collaborateur fréquent de Frisell depuis l’aventure de Beautiful Dreamers en 2010. Toutefois, le trio n’en est pas à ses premières armes puisqu’il a joué devant public deux bonnes années avant l’enregistrement de ce nouvel opus.
Le programme contient quelques nouvelles pièces, mais surtout des relectures d’œuvres que Frisell a interprétées à un moment ou à un autre de sa fructueuse carrière, qu’il s’agisse de ses propres compositions ou de reprises de morceaux signés Boubacar Traoré, Billy Strayhorn ou Burt Bacharach. Tout ce matériel recyclé peut donner à penser que le guitariste a les yeux braqués sur son passé et qu’il n’osera guère s’aventurer hors de sa zone de confort. Ce serait oublier que chez Bill Frisell, ladite zone englobe de nombreux territoires : jazz, country, folk, avant-garde, gospel, tin pan alley, atmosphérique, blues du delta, blues du désert… Notre homme est à l’aise sur plusieurs terrains et sur Valentine, il choisit de ne pas choisir. Épaulé par ses deux fidèles compères, il nous les présente tous.
Cet éclectisme admirable n’est qu’une des raisons qu’on a de s’extasier devant cet album fort réussi. Sont également à applaudir la cohésion du trio, ce son de guitare toujours aussi cristallin ainsi que le jeu de Royston qui apporte une nouvelle dimension au travail amorcé précédemment avec Morgan. On pourra également ajouter le grand cœur du guitariste qui a choisi de conclure les choses avec une interprétation de We Shall Overcome, vieux protest song maintes fois entonné pendant le mouvement afro-américain des droits civiques. Un choix des plus pertinents !