Imaginons un instant un improbable concert donné à la cour de Louis XIV avec un répertoire mariant des airs de cour raffinés signés Blavet, Daquin, de Visée ou Hotteterre, et des airs traditionnels venant de la lointaine colonie acadienne! C’est fou? Peut-être pas tant que ça! La soprano Suzie LeBlanc est ses compagnons (Vincent Lauzer à la flûte à bec, Sylvain Bergeron à la guitare baroque et à l’archiluth, Ellen Torrie au chant soprano et à la guitare baroque, et Marie Nadeau-Tremblay au violon baroque) osent nous transporter dans ce décor fantasmé, mais pas si loin de la réalité.
Bien sûr, ce concert n’a jamais eu lieu, mais il faut savoir que les airs traditionnels acadiens ont pour la plupart des origines en vieille France. Ça, on le devine. Mais ce qui rend le scénario ci-haut, sans être réel mais du moins raisonnablement justifiable du point de vue artistique, c’est que beaucoup de colons français en Nouvelle-France, particulièrement les plus mondains, cherchaient à recréer chez eux les habitudes et surtout les fastes de Versailles. Du coup, un concert, réimaginé par une petite noblesse seigneuriale et présentant un programme unissant des airs savants et des airs populaires de chez eux adaptés en colonie, est tout à fait envisageable.
Le choix du programme et les enchaînements entre les deux types de chants sont faits avec goût et délicatesse. Les tempéraments ne se heurtent jamais, mais se suivent plutôt avec élégance et pertinence. On a même réuni le fameux Coucou de Daquin avec le traditionnel Matou! Irrésistible! On peut presque imaginer le Roi Soleil applaudir en tapant du pied.
Suzie LeBlanc (qui s’accompagne également au dulcimer!) est en belle forme et les diverses implications des musiciens accompagnateurs sont équilibrées et sensibles.