Bach et Handel, deux monstres sacrés du répertoire baroque. La soprano Sabine Devieilhe est une habituée de ces univers foisonnants, et s’y meut avec une grande aisance. Accompagnée ici de l’excellent Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion, elle offre une interprétation posée, sans extravagance, de cantates de Bach dont la volubile BWV51, une merveille de luminosité et de virtuosité transcendante comme savait les dessiner le cantor. S’y ajoutent des extraits de diverses œuvres de Handel, dont la Brockes-Passion, l’opéra Jules César en Égypte et l’oratorio Le triomphe du Temps et de la Vérité. Le fil conducteur du programme : les émotions intenses et contrastées. Tristesse profonde et joie enivrante, par exemple.
La voix est superbe, parfaite dans sa plasticité et rayonnante dans ses coloris. Seulement, comme je le disais plus haut, ce programme, et surtout l’esprit derrière sa construction, réclame une extravagance un brin plus exaltée que ce qui nous est offert. Qui plus est , le choix des extraits de la Brockes Passion de Handel ne sont pas du même acabit qualitatif que d’autres œuvres du compositeur, si bien que leur positionnement entre les deux portions consacrées à Bach font presque figure de relâchement émotionnel, même si manifestement, ce n’était pas le plan des interprètes. En fin de compte, on n’a pas autant de plaisir à écouter cet album que ce à quoi on s’attend en lisant le line-up des musiciens présents. Un album qui trahit peut-être sa réalisation contre vents et marées, ou plutôt contre pandémie et confinement. Retenue liée au besoin de calme émotionnel devant la tragédie covidienne mondiale? Ça peut être justifié, mais on a l’impression que le contraire aurait été plus satisfaisant, comme un cri du coeur pour la liberté et l’extravagance.
Un peu dommage, compte tenu de l’immense admiration que j’ai pour Sabine Devieilhe.