Plus qu’à l’extraordinaire guitariste ou au compositeur déjanté, c’est à un René Lussier chercheur de sons que l’on a affaire ici. Comme il le dit lui-même dans le communiqué qui accompagne la sortie de cet énième opus, l’assemblage de ces quatre pièces est le résultat « d’un long processus de gossage et de picossage ». Sauf pour le quatuor de contrebasses (4 fois Hugo Blouin) que l’on peut entendre dans Le clou (1999), c’est Lussier qui joue de tout, incluant « tout un lot de percussions maison faites de frottements, de bruits de bouche, de spatules à gâteau, de broches à barbecue et de styromousse sur une vitre mouillée », sans compter, bien sûr, du daxophone et des guitares. Ces dernières prolifèrent particulièrement dans Pour modifier vos options personnelles, appuyez sur l’étoile * (2019), pour quatre guitares et quatre brosses à dents électriques – un autre de ces bijoux que l’on doit en quelque sorte au désœuvrement engendré par la pandémie ; l’enregistrement date d’avril 2020. Lussier revient dans cette pièce à l’un de ses dadas favoris, soit de suivre avec sa guitare les contours d’une voix humaine, en l’occurrence ici, celle de la madame qui trouve tellement que notre appel est important. La pièce se développe sur une quinzaine de minutes et les guitares s’en donnent à cœur joie.
La pièce BanQ (2015) rend compte d’une part importante du travail de René Lussier, puisqu’il s’agit au départ d’une musique devant accompagner une projection (on sait que le compositeur de la musique du Moulin à images de Robert Lepage a beaucoup composé pour le cinéma). La pièce est courte, très dynamique, et le multi-instrumentiste y joue du studio en virtuose. Entre ces trois pièces, Lussier intercale les mouvements de la suite Burletta (2009), composée pour accompagner un théâtre clownesque. Sachant que Lussier est lui-même un joyeux drille, on ne s’étonne pas de le retrouver dans un tel univers sonore, qui évoque à la fois un monde circasso-fellinien et un musicien qui jongle avec une batterie de cuisine. Un bon cru !