Giacinto Scelsi (1905-1988) a été sa vie durant un compositeur discret. Il était admiré par quelques-uns (Feldman, Curran), mais le public n’avait pas connaissance, ou très peu, de ses activités. Il était excentrique et un brin mystique (il affirmait être un messager d’un autre monde). Assurément, en écoutant sa musique, vous pourriez avoir l’impression d’écouter un extra-terrestre vous présenter sa plus récente composition. Ça ou une recette de grillons sautés à l’ail. Ce double album signé Quatuor Molinari est un ajout dans le catalogue grandissant d’intégrales produites par l’excellent ensemble québécois.
ÉCOUTEZ OLGA RANZENHOFER DU QUATUOR MOLINARI PARLER DE LA MUSIQUE DE SCELSI
La musique de Scelsi est peut-être l’une des plus originales, mais aussi les plus difficiles d’approche. Si son premier quatuor, daté de 1944, a des accointances évidentes avec Schoenberg, et reste ironiquement le plus facile à écouter, les quatre suivants procèdent de la démarche que Scelsi allait adopter presque essentiellement jusqu’à la fin de sa vie : la concentration sur un matériau ultra réduit, tel une seule note, un accord, une résonance. Le résultat est une musique qui a fasciné les spectralistes, mais sans la même rondeur, la même présence corporelle. Si Murail, par exemple, est expansif, Scelsi est réductif jusqu’à l’atomisation. L’un est quasiment charnu, l’autre , rachitique. L’Italien peut étudier pendant de longues minutes toutes les possibilités d’une seule résonance en tant que véhicule expressif. C’est mince, mais, en même temps, c’est une exploration tellement unique et personnelle, qu’elle en est absorbante.
Scelsi n’est pas pour tout le monde, soyez-en conscients. Mais les Molinari, comme à leur habitude, tirent tout le jus possible des partitions qu’ils ont devant eux et en donnent le maximum que les mélomanes avertis peuvent en demander.