Voilà le duo multidisciplinaire italien OZmotic qui se mêle à l’emblématique compositeur électronique et guitariste autrichien Christian Fennesz. Ensemble, ils cherchent à « donner une forme musicale à un calme surréel, mais aussi à des états émotionnels magmatiques et incertains ». Si ces mots ne vous donnent pas instantanément envie d’y plonger, on vous encourage à le faire de plus belle : surfaces sonores iridescentes, vagues de basse et sérénité planante sont au rendez-vous.
L’album a été conçu à distance, durant les années de la pandémie. Les deux partis en jeu s’échangeaient leurs idées via courriel, leurs fichiers sonores et leurs philosophies. Les membres d’OZmotic se décrivent comme fascinés par les « espaces vastes et non contaminés », et comme « créant des mondes sonores avec une intense variété tonale », ce qu’ils exécutent à merveille ici. Cela se marie également bien avec l’approche emblématique de Fennesz, soit de créer des atmosphères luxuriantes et riches avec sa guitare et son ordinateur.
L’élément récurrent de l’album est cet éboulement de hautes et basses fréquences, aux extrémités de notre gamme. Entre mélodie et percussion, ce leitmotiv surprend agréablement au début, mais creuse bien vite sa place en tant que signature sonore du projet. Il s’installe par-dessus les océans sonores, les nuages, et opère dans cette zone grise entre l’organique et le synthétique. Ailleurs, on retrouve des crépitements, ou ce que les Québécois nomment « grichage », évoquant autant une stridulation d’insectes qu’une résonance statique. D’autres sons passent, comme si on n’avait gardé que les hautes fréquences d’un vent qui souffle à travers des feuilles. Sur le dernier morceau, quelques enregistrements de terrain percent le voile; on entend des oiseaux passer. Tout cela baigne sur une base tonale mouvante et simple, qu’on finit par ne plus remarquer avec les autres éléments.
C’est rêveur, mais en même temps terriblement présent, terriblement commandant d’une conscience de surface. Il y a une tension entre le chaos des sons périodiques et les longues notes à l’horizon. C’est la surface de l’eau, le bleu profond, et toute la vie qu’il cache.
Je reviens toujours à l’océan, puisque pour moi c’est exactement cela : un monument sonore, à la fois mutable et immuable. Les vagues vont et viennent, et les quasi mélodies, la guitare, les contrepoints nous traversent comme de la lumière dans un prisme, évoquent le calme mystique d’une mer où il ne se passe rien. Les nuages passent et l’eau les reflète. Les vaguelettes deviennent ces réflexions troubles qui se fondent en un même modèle, frise mouvante à l’orée des sensibilités inconscientes. N’est-ce pas toujours ici qu’on accoste avec le bon ambiant? Peu importe, il s’agit d’un délice pour les oreilles et pour l’esprit, parfait pour les premiers airs estivaux.