Tel un journal de bord, Pandemonia est le récit intime des réflexions, impressions, moments d’espoir et de découragement de Joe Sullivan, capitaine au long court de cette généreuse suite en neuf mouvements pour orchestre de jazz. À travers la plume classiquement moderne de Sullivan (lignes mélodiques chromatiques, soutien rythmique ancré dans le swing et le bop, envolées lyriques calibrées des cuivres), on revit les hauts et les bas de ces deux dernières (éprouvantes) années de virus, de distanciation sociale, de mesures sanitaires, de notions collectives vs individuelles, et j’en passe.
Les contributions vocales de Sonia Johnson et Jeff Simons, en termes de timbre et de qualité, sont excellentes même si je ne suis pas, cela dit, entièrement convaincu par l’union de ce jazz sophistiqué avec des textes en français joual (d’autres sont en anglais). ‘’J’veux ben croire qu’ça va ben aller, mais jusqu’icitte, ç’a comme pas ben été… » (On se plaint). Je suppute que ça aurait pu être plus abouti. Mais devant la valeur des interprétations de Simons et particulièrement de Sonia Johnson, cela reste un détail mineur.
Il est parfois hasardeux de présumer du tempérament d’une pièce grâce à son titre : on se retrouve Gros-Jean comme devant et on a l’impression que Sullivan n’a pas vécu cette période insensée de la même manière que tout le monde. Mais, après tout, il ne s’agit pas de musique descriptive ni d’un poème symphonique collé sur des affects précis. Ce que l’on a c’est une œuvre de facture moderne et accessible, réalisée dans les règles de l’art et interprétée avec panache par un ensemble hors pair.