On a pas mangé de framboises depuis 1266 jours est l’impressionnant petit fruit issu du projet collectif initié par le poète Mathieu Renaud et le musicien Pierre-Luc Clément de la formation FET.NAT. Cette première offrande exprime la volonté éclatée, mais en tous points cohérente, de proposer un « opéra rock sans opéra et sans rock post-apocalyptique de poésie ». Il va sans dire qu’on nage en pleines marges de l’habituel paysage musical québécois.
Enregistré dans un petit chalet de la Haute-Gatineau avec les poètes Alexandre Dostie, Marjolaine Beauchamp, Maude V. Veilleux et JFNo, cet ovni de plus d’une heure flirte avec le minimalisme expérimental, le jazz nocturne et abondent en éclats de sax, d’orgues, de synthétiseurs, de chants d’oiseaux et de guitares bien grasses qui s’épousent dans les fissures d’une mosaïque habilement tissée. Malgré sa singularité, quelques références de la contre-culture d’ici sont perceptibles, on pense à Péloquin / Sauvageau, à L’Infonie et à la pièce culte Le château hanté du groupe les Champignons.
Les arrangements surprennent par leur théâtralité, le collectif ne craignant pas de mettre ses instruments de côté pour mieux déposer ses mots. L’abondance d’ambiances sonores et la texture des collages transportent l’auditeur dans un univers inquiétant. La forme narrative de l’album détonne voire provoque autant par une musicalité convaincante que par sa charge lyrique soutenue par une langue colorée. Le propos soulève bien haut cette poésie affranchie de ses pages qui s’installe tragiquement entre les notes. Un délice d’authenticité à découvrir pour tous ceux et celles qui désirent être conviés à une intime cérémonie aussi évasive que frontale.