Bach n’a rien laissé de vraiment substantiel pour la flûte à bec. À part quelques utilisations intra orchestrales dans des concertos brandebourgeois et quelques cantates, aucune sonate, aucune suite, partita, etc. Il a pourtant écrit des sonates pour flûte traversière.
On comprendra les flûtistes à bec de ressentir une certaine frustration face à la chose, et de se rabattre sur des transcriptions. C’est ce que fait ici Julien Martin, accompagné du claveciniste québécois Olivier Fortin. Au programme : des transcriptions d’œuvres pour flûte traversière (choix logique), mais également pour violon, pour orgue ou encore des extraits de cantates.
Julien Martin possède un son agréablement coussiné avec une certaine brillance dans les aigus. Son jeu est précis et bien organisé discursivement. Olivier Fortin offre un soutien clair avec une assez forte présence. La prise de son, de grande proximité, crée cette impression.
J’aime beaucoup ce qui est fait ici, en termes de musicalité et de choix de répertoire. Je ne peux que remarquer, cela dit, comment la limite physique du son de la flûte à bec peut ressembler à un obstacle insurmontable aux puristes, particulièrement dans les transcriptions de pièces pour violon seul. Ce dernier peut soutenir sa projection sonore indéfiniment. Pas la flûte. Qui plus est, la flûte à bec peut le faire encore moins que la flûte traversière.
C’est encore plus vrai dans le cas du clavecin, qui n’a pas été surpassé par la piano pour rien : à un certain moment dans l’histoire, on a eu besoin de pouvoir tenir le son et sa résonance avec beaucoup plus d’ampleur. La Chaconne BWV 1004, monumentale partition pour violon seul et ici transcrite pour le clavecin solo, si elle est impressionnante et si Olivier Fortin y apporte toute l’implication possibles dans sa très belle lecture, ne peut se comparer à l’originale pour violon : le souffle beaucoup plus court donné à la projection sonore (ce qui est normal pour le clavecin) nuit à la viscéralité de l’œuvre. Un violon dont les cordes sont frottées à s’en arracher le cœur est difficile à ‘’accoter’’ en termes de puissance émotive et de frissons sous-cutanés. Cela dit, j’applaudis chaleureusement le magistral effort réalisé par Olivier, ainsi que son immense réussite en termes de maîtrise technique.
Un très bel album, qui fait fi des limites techniques associées à ses instruments par rapport au potentiel originel des œuvres ici ‘’transformées’’.