Pas évident d’écrire des chansons lorsqu’on a été la muse d’un monstre sacré comme Gainsbourg. Pas évident, après avoir porté pendant des années une partie de son œuvre dans le monde, de se dire : « Il est temps que j’écrive moi aussi. » Résultat : la plus Française des Britanniques s’y est mise et, qui plus est, en bonne partie dans la langue de Gainsbarre.
La référence n’est pas fortuite, car si on entendait des choses plutôt gentilles et très sympathiques depuis quelques mois avec l’extrait Les Jeux interdits, qui illustre de façon très accrocheuse l’enfance de ses filles en Normandie dans une atmosphère très « gainsbourienne », l’album qui est enfin arrivé se révèle à la fois grandiloquent, tragique et insolent.
Réalisé et mis en musique par Étienne Daho et Jean-Louis Piérot, qui ont su magnifier l’aspect écorché de Birkin qui semble danser ici au bord de l’abîme, le tout semble à la fois teinté des inspirations pop anglaises de Daho et sublimé par des orchestrations chargées mais réussies qui évoquent un état d’urgence permanent. Et pour cause, car Birkin y évoque la mort tragique de sa fille Kate qui « s’est foutue en l’air » en 2013, les fantômes du passé, les amours à la sauvette, la peur des cimetières, une comptine qui date de l’époque de la peste bubonique (!), un soldat tué pendant la guerre d’Algérie, la jalousie maladive ou encore les amours qui finissent par un « promis, je ne t’emmerderai plus ».
Mission accomplie, l’ancienne muse devenue créatrice peut, la tête haute et le regard humide, fixer le fantôme du grand « Chege » droit dans les yeux. Et si Gainsbarre de son côté se retourne dans sa tombe, ça sera sans doute pour mieux écouter.