Derrière un portail anonyme du boulevard de Magenta, dans le 10e arrondissement parisien, se trouve un lieu où songent, créent, jouent, enregistrent et répètent les membres du collectif Magenta. En un quinquennat sous le nom de Fauve ≠, cette formation à asymétrie constante a publié deux albums coup de gueule avant de fermer ses livres, en pleine gloire. Ce fut la fin de Fauve ≠ mais pas celle du collectif, qui orienta dès lors sa force créatrice vers un objectif sonore insoupçonné, assez éloigné de Fauve ≠ pour qu’on dresse un constat de métamorphose. Magenta était donc à pied d’œuvre dès après la dissolution de l’entité précédente, en 2015, et a lancé l’an dernier un microalbum contenant la pièce Chance, en duo avec la chanteuse Vendredi sur Mer. Ces jours-ci paraît Monogramme, qui révèle au grand jour la nouvelle signature – ou monogramme – esthétique du collectif, une électronicité largement inspirée du duo compatriote Daft Punk qui, ironie du sort, a annoncé sa séparation le 22 février dernier. Pour des musiciens qui ont affirmé n’y connaître que dalle, les membres de Magenta se dépatouillent franchement bien dans le créneau synthétique. On les sait talentueux, mais ils ont tout de même dû potasser les œuvres marquantes des 20 ou 30 dernières années dans le domaine. Résultat : on passe du café – ou salon ou autre lieu de rassemblement des pamphlétaires – au club, où perle la sueur sous les strobs. Seule évocation de l’ère Fauve ≠ : sur la pièce 2019, on a droit à une énumération parlée et glauque du chanteur Quentin Postel. Ce dernier est d’ailleurs doué d’une voix protéiforme : son échelle de fluctuation s’étend d’Arman Méliès (sur Fatigué) à Gérard Lenorman (sur la pièce-titre). Magenta réussira-t-il à conjuguer l’électro french touch à la chanson française? L’exercice n’est pas totalement concluant pour l’instant, mais tous les espoirs sont permis.
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