Si l’on fait exception d’Apollo : Atmospheres & Soundtracks, le disque qu’ils ont fait avec Daniel Lanois en 1983, et de la dizaine de pièces (Roger participe à trois d’entre elles) qui y ont été ajoutées avec son Extended Edition parue l’an dernier, c’est étonnamment la première fois que les frères Eno collaborent.
La création des 18 pièces de Mixing Colours s’est échelonnée sur une période de quinze ans. De temps en temps, Roger enregistrait des trucs qu’il improvisait sur un clavier MIDI et lorsqu’il croyait tenir des éléments qui intéresseraient Brian, il lui envoyait les fichiers pour qu’il y mette sa touche. Au fil du temps, le nombre de pièces ainsi produites par cette conversation est devenu suffisamment important pour que les deux frangins considèrent en tirer un album.
Il est facile d’écarter ce genre de musique du revers de la main sous prétexte qu’il ne s’y passe à peu près rien, d’autant que ces pièces sont, en plus d’être lentes, plutôt simples mélodiquement et harmoniquement. Ce n’est pas tant le fond qui est intéressant ici mais bien la forme; les mélodies sont presque accessoires. Lorsqu’on y regarde de plus près et qu’on tend l’oreille, on se rend compte de tout ce que ces miniatures recèlent sur le plan du timbre et des couleurs. Pour permettre à ces dernières d’irradier encore davantage, elles sont d’ailleurs généreusement nimbées d’effets de réverbération. Toutefois, comme elles sont lentes – et aussi sereines, c’est à souligner –, encore faut-il pour y être sensible pouvoir se mettre à leur diapason en adoptant soi-même le même rythme.
Aussi sont-elles un excellent moyen de ralentir le temps qui file et lui donner, tout en légèreté, une certaine épaisseur, surtout quand on est réduit, comme on l’est en ce moment, à contempler son passage en regardant par la fenêtre.