« Ce n’est pas une révolte, c’est une révolution! » Voilà une phrase entendue à répétition sur un des morceaux de ce nouvel album de Mandy, Indiana. Le groupe de noise expérimental originaire de Manchester fait des vagues dans les courants de l’underground avec cette nouvelle proposition incendiaire, grinçante, apocalyptique, mais ô combien attirante.
Mêlant des éléments de noise, des drones, des carambolages de percussion et des déchirements synthétiques avec des rythmes ténébreux qui encouragent à la danse, cet album comporte une atmosphère parfois suffocante, parfois désertique, mais tout à fait singulière. Bourré d’expérimentations sonores, cet album a vu le groupe enregistrer de la batterie dans des cavernes ou des cris dans un centre commercial vide, et jouer avec des basses fréquences dans des cryptes souterraines jusqu’à déranger une séance de yoga qui se tenait au-dessus.
Le groupe a aussi trouvé important d’inclure des enregistrements de terrain spontanés, pour faire de leur album « un manifeste pour ces moments d’ouverture et de disruption, entrecoupant des sons enregistrés dans l’environnement contrôlé du studio avec d’autres capturés librement et sans souci de propreté. C’est une manière de s’approprier l’espace, à coups de mini-expressions de liberté créative, qui renforce la cohérence de l’attitude révolutionnaire et déconstructiviste du groupe.
Valentine Caulfield, la chanteuse parisienne du groupe anglais, déclame ses paroles en français, et révèle au fil des chansons une versatilité dans les tons qu’elle peut employer. Sur Drag [Crashed], premier sommet de l’album, elle est entre moquerie, colère et ironie alors qu’elle reprend les paroles irritantes de la société paternaliste qui passent si souvent entre les oreilles des femmes. Sur Injury Detail, elle prend un ton froid et distancié alors qu’elle commande à un « joueur 1 » d’achever son adversaire. Sur 2 Stripe, elle raconte une histoire de révolution populaire, terminant par « souvenez-vous toujours que nous sommes plus nombreux qu’eux. »
Toutes ces paroles prennent place au milieu d’espaces sonores apocalyptiques : sirènes sur basses déroulantes, lacérations de guitares qu’on ne reconnaît même plus comme étant telles, drones ambient qui donnent l’impression qu’on scie du métal dans des égouts… Bref, le message passe à merveille, alors que, par exemple, on se fait dire de sourire sur des sons qui donnent envie de faire tout le contraire.
Le groupe met en lumière l’absurdité du monde avec leurs paroles, et sa violence avec leur musique. Rythmes étouffants, basse profonde, guitares et synthétiseurs qui s’apparentent à des radiateurs, tout est au menu et rien n’est épargné. C’est assez pour couvrir d’un épais nuage de suie toute belle journée ensoleillée, mais, selon moi, ça en vaut la peine.
Car si l’album peut parfois nous glacer le sang, je vous assure qu’il le fait autant bouillonner. Entre les rythmes bizarrement dansants de Peach Fuzz, Injury Detail et Drag [Crashed], et les paroles qui en appellent à la mobilisation (« Entends-tu le bruit des bottes qui claquent sur le parquet? »), Mandy, Indiana nous infuse l’énergie de la fibre collective et nous chatouille la nuque avec l’espoir d’un monde nouveau, rebâti des cendres et de la sueur des pistes de danse les plus enflammées.
Fortement recommandé aux amateurs d’émotions fortes.