Passons sur le ridicule d’intituler The Golden Hour un album de musique baroque française (misère, quand vont-ils arrêter ces âneries?), pour nous concentrer plutôt sur la grande qualité de ce que l’on y entend (heureusement) et surtout du témoignage que cela offre sur un certain moment typiquement français de cette époque.
Sachez que le début du 18e siècle en France (comme dans le reste de l’Europe) est celui d’une transition entre la viole de gambe, qui vivait ses dernières heures de gloire, et le violon, qui amorçait son irrésistible ascension vers une domination toujours d’actualité. Les Sonates en trio ici présentées ont donc la particularité d’offrir des occasions de dialoguer entre les deux instruments, dans une structure relativement permissive, chose qui ne durera pas longtemps dans l’histoire. De plus, les sonates jouées avec finesse par le trio d’artistes représentent aussi un moment charnière dans l’histoire musicale française, celle d’une rencontre entre le style italien et français. Cette fusion, appelée ‘’Goûts réunis’’, était à l’époque l’équivalent des premières fréquentations modernes entre le pop et le classique, ou entre le rock le jazz : des audaces décriées un temps par les puristes.
Finalement, cette crisette sur des principes stylistiques fantasmés nous apparaît bien futile de nos jours en regard du plaisir ressenti à l’écoute des partitions de Leclair, Boismortier, Dornel, Rebel et François Francoeur.
Chaque compositeur dose les quantités de l’un et l’autre style à sa façon, et suivant son propre tempérament. Leclair est plus italianisant, Dornel, plus franco-français, les autres quelques part entre les deux. C’est toujours un grand plaisir d’entendre une œuvre de ce type de la main de Rebel, souvent réduit à son extravagante musique de danse Les Éléments (mais de moins en moins). On sent que le dialogue entre le violon et la viole est riche et varié. La viole parfois imitant le ligne de violon, parfois à la source d’un sujet qui sera plus tard développé par le plus jeune instrument. La difficulté de cette opération était de faire en sorte que la basse continue du clavecin n’apparaisse pas dénudée par les envolées mélodiques de la viole (qui est souvent utilisée en appui aux fondations harmoniques avec le clavecin). Olivier Fortin avoue avoir pensé à cet élément s’être rabattu sur le choix d’un instrument de facture française possédant de belles rondeurs dans les graves. Choix judicieux car, en effet, la portée sonore de la musique ne perd rien, elle gagne même en aisance, ce qui fortifie la partie italienne de ces admirables ‘’Goûts réunis’’.
Superbes lectures de trois musiciens étroitement concertés en une osmose expressive élégante et finement descriptive.