Lina Bahn est une violoniste basée à Los Angeles qui se passionne pour les commandes contemporaines audacieuses. Six compositions sont présentées ici, toutes pour violon et électronique. Four Movements de Pamela Z marie les deux avec discrétion sinon pour la réverbération généreuse et les délais fantômes, manipulés live et qui accompagnent Bahn en créant une intéressante profondeur, parfois contrapuntique. Il y a quelque chose entre Arvo Pärt et Nils Frahm dans cette musique de Pamela Z, exception faite du quatrième mouvement (Grains), résolument expressionniste et avant-gardiste.
Suit Deadhorse Point de John Drumheller, inspiré du point d’observation éponyme situé en Utah et offrant une vue apparemment imprenable sur une étendue désertique au caractère hypnotisant. Drumheller utilise l’électro pour appuyer et magnifier l’étrangeté fondamentale de sa partition pour violon, reflétant en cela, probablement, le panorama évoqué. Glissements, pizzicati et litanies lyriques sont triturés, sur multipliés et réverbérés généreusement pour nous plonger dans un tableau mystérieux et nocturne où scintillent des millions d’étoiles et frétillent toutes sortes de créatures évanescentes.
Axolotl, la pièce-titre, est aussi le nom d’une salamandre mexicaine mignonne comme tout avec ses excroissances velues, au nombre de six, répandues autour de son crâne. Ces appendices sont en vérité des poumons! À cette étrange vue, Morton Subotnick a collé une partition pointilliste où le violon est à la fois accompagné d’une bande et d’un séquenceur live qui transforme et distille le son de l’instrument. Tout cela est effectivement très étrange, mais rendu sympathique par son sujet principal.
Ken Ueno a écrit Vedananupassana en référence à la philosophie bouddiste de ‘’contemplation des émotions’’. Si cela évoque un forme d’introspection tranquille, la musique de Ueno laisse deviner des sentiments plus effervescents. La fusion du violon et de l’électro se fait dans un espace parcouru de vibrations trépignantes. Fascinant, mais exigeant.
C’est encore plus vrai avec One Becomes Two de Steve Antosca, un clin d’œil au concept jungien de transformation, dans lequel le psychanalyste utilise l’exemple du bourgeon qui devient la fleur. Musicalement, ici également, l’électro est utilisé de façon très interventionniste. Le violon est transformé en un ensemble d’ondes frémissantes qui semblent émerger constamment d’une mousse interdimensionnelle (et replonger plus loin). L’aspect le plus intéressant de la pièce est que le compositeur laisse à l’interprète le soin de choisir le ‘’tempérament’’ final de l’œuvre, un choix entre quatre possibilités : la joie, la passion, la dualité et la volonté durable. Si vous voulez savoir quel choix a fait la soliste, il faudra vous faire votre idée. Je ne suis pas certain, et votre interprétation sera aussi bonne que la mienne. Oui, c’est une écoute très exigeante, mais c’est tout à fait envoûtant!
La mémoire qui s’étiole et disparaît graduellement est au centre de Disappearance de Daniel Wohl. Une étude sur le tarissement sonore, baigné dans une lumière tamisée. Après l’avant-gardisme presque extrême des deux plages précédentes, Disappearance fait figure de baume avec ses harmonies consonantes et mélancoliques, un peu à la Arvo Pärt.
Un autre album emballant de musique sérieuse et passionnante du label Neuma.