En 2004, le film canadien The Saddest Music in the World mettait en scène des musiciens venus des quatre coins du globe qui s’affrontaient dans le cadre d’un concours afin de couronner le créateur de l’œuvre la plus triste qui soit. Il ne fait aucun doute que si une telle compétition existait réellement, le compositeur américain William Basinski serait le concurrent à battre. Même s’il pratique un genre musical réputé impersonnel et décoratif, l’artiste originaire de Houston réussit l’exploit de créer une musique ambient pouvant susciter les larmes.
Plus qu’un simple designer d’atmosphères, Basinski sait imprimer à sa musique une signature sonore qui lui est propre. Les amateurs se retrouveront donc en terrain balisé avec ces Lamentations. Surtout que leur auteur reprend le procédé qui l’a fait connaître avec ses incontournables Disintegration Loops de 2002 en ayant de nouveau recours à des bandes analogiques sur lesquelles sont gravées des œuvres qu’il a enregistrées par le passé – les plus anciennes remontant à 1979. Basinski manipule ces vieux rubans à sa guise, y puisant des éléments qu’il fait jouer en boucles et qu’il superpose, générant ainsi un palimpseste auditif où des formes mélodiques floues se meuvent sous des couches de drones et de réverbération.
Avec Lamentations, l’artiste démontre qu’il est loin d’avoir épuisé les ressources de son art et accouche d’un des albums les plus touchants de sa carrière. Les vagues noires qui roulent sur For Whom the Bell Tolls – morceau d’ouverture du disque – se brisent en écume sur le cœur de l’auditeur qui risque d’être emporté par tant de mélancolie. Heureusement, un chant humain surgit des flots sur trois des pièces au programme. Ces voix de sirènes s’élevant au-dessus de la sombre marée offriront leur réconfort aux âmes qui s’aventureront dans ces eaux lugubres. En ce monde en perte de repères qui est le nôtre, ce disque est une bouée à laquelle s’accrocher.