Kenneth Kirschner est un compositeur étasunien qui œuvre depuis une quarantaine d’années dans la création sonore électronique. L’intérêt de cet album bien nommé est de constater l’effet que peut avoir la transcription de certaines de ses pièces vers des instruments acoustiques, ici trois violoncelles. Pour Kirschner, c’est une première et, comme l’explique en long et en large le volumineux livret qui accompagne l’album (un vrai livre en vérité), ce fut un processus long et complexe.
La méthode électro de Kirschner est faite de larges palettes sonores superposées et densément attachées, harmoniquement. Souvent, ce ne sont pas plus de quatre demi-tons de distance qui qualifient la soupe musicale de cet artiste pour qui la notation précise, note pour note et divisée en barres de mesures identifiables afin que les musiciens puissent déchiffrer la manière, la durée et la vitesse de leurs exécutions, était chose presque ésotérique. C’est la rencontre avec Joseph Branciforte, compositeur plus ‘’traditionnel’’ qui l’a amené à explorer la possibilité de transposer une partie de son univers sonore vers des exécutions acoustiques.
Le voyage se fait plutôt bien, Très bien même. Il faut dire que le matériau d’origine avait déjà des accointances assez rapprochées du monde de la musique savante rigoureuse, du moins au plan sonore. Kirschner ne faisait pas dans la techno dancefloor, disons. Au final, la musique acoustique de Kirschner ressemble à une proposition savante en bonne et due forme et franchement intéressante car elle évoque une rencontre inattendue entre les harmonies touffues, épaisses de Berg, soumises à l’économie discursive de Feldman. On dirait un minimalisme répétitif sans la pulsation, baigné dans les couleurs de la Seconde école de Vienne.
Les lignes de violoncelles superposées et répétitives, mais en constante micro transformation, créent une atmosphère grisâtre, lourde d‘affliction et d’amertume, mais toujours en mouvement. On les imaginerait volontiers accompagnant un film de Bergman.
Y’a pas de quoi fêter, donc. Mais le résultat est empreint d’une étonnante beauté.