Le percussionniste Kahil El’Zabar a ce qu’on pourrait appeler un curriculum vitae bien garni. En plus d’avoir joué avec des musiciens d’horizons aussi divers que Dizzy Gillespie, Stevie Wonder, Archie Shepp, Nina Simone et Paul Simon, il a été, pendant quelques années, président de l’AACM, un organisme visant à faire la promotion du jazz d’avant-garde créé à Chicago.
David Murray est, quant à lui, un immense saxophoniste, un géant du ténor dans la lignée de John Coltrane, Sonny Rollins, Charles Lloyd et Joe Lovano. Sa première rencontre sur disque avec El’Zabar remonte à 1989. Sur ce nouvel enregistrement proposant des relectures de vieux morceaux et des nouvelles compositions, ces deux grands marabouts du jazz spirituel sont accompagnés par deux jeunots : Emma Dayhuff à la contrebasse et Justin Dillard aux claviers.
El’Zabar est resté fidèle aux principes qu’il a toujours chéris et comme il le dit lui-même, sa devise serait davantage « Shake your chakras » que « Shake your booty ». Sa musique, qui prend sa source dans celle des griots d’Afrique, vise la transe. Pour y parvenir, le percussionniste sort de sa besace des rythmiques répétitives qu’il joue pendant de longues minutes. Dayhuff et Dillard brodent autour de ces motifs hypnotiques qui deviennent un tapis volant sur lequel l’esprit de l’auditeur prend son envol au son de la voix profonde du leader et des lignes colorées que dessinent le saxophone de Murray. Si certains morceaux comme Katon frôlent la monotonie, la richesse des interventions de ce dernier donne toujours à nos sens matière à s’extasier.