La première impression que l’on a à l’écoute de ce premier album chez Blue Note en tant que leader pour Julian Lage, c’est que cet humble virtuose des six cordes a enfin trouvé sa maison. Le prestigieux label qui, depuis huit décennies, publie un jazz de haute tenue qui ne brasse généralement pas trop la cage est l’étiquette toute désignée pour un musicien au goût aussi sûr que Lage. Avec Squint, l’artiste a d’ailleurs voulu rendre hommage à une tradition bien entretenue chez Blue Note, celle de marier les mélodies de la forme chansonnière populaire à l’aspect improvisé du jazz. À l’enseigne de la fameuse Note Bleue, Lage rejoint donc Bill Frisell et Nels Cline, des guitaristes qui, comme lui, arpentent un terrain musical situé aux confins du jazz et de l’americana. Le Californien a toutefois une identité sonore qui lui est propre. Son timbre méticuleusement travaillé et empreint de chaleur en fait un musicien immédiatement reconnaissable. Jusqu’à maintenant, sa dextérité a toujours plus impressionné que ses talents compositionnels, mais à en juger par ce nouvel opus, les choses sont lentement en train de changer. À l’exception de deux reprises, les pièces que l’on peut entendre sur Squint sont des œuvres originales de Lage et témoignent de son évolution vers de plus en plus de finesse. Après une magnifique entrée en matière en solo, il est rejoint par ses deux partenaires – le bassiste Jorge Roeder et le batteur Dave King (The Bad Plus) – avec qui il nous fait faire une fort agréable randonnée qui nous fait passer par de boueuses routes bluesy sur la bien nommée Boo’s Blues, des sentiers plus rock qui mènent à Saint Rose et les splendides plaines country de Twilight Surfer. On en redemande.
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