Avant de commencer la recension de l’album, un mot sur le synthétiseur modulaire Buchla. Bob Moog, originaire de la côte est américaine, est l’un des premiers noms qui nous vient à l’esprit en matière de conception de synthétiseurs. Il a fourni à de grands noms de la pop des années 60 des instruments électroniques produisant des sons étranges. Pendant ce temps, son compatriote de la côte ouest Don Buchla potassait davantage dans l’avant-gardisme et l’expérimental. Le premier synthé de Buchla a donc été bricolé à la demande du légendaire compositeur Morton Subotnick. Ce synthé et ses variantes créés par Buchla avaient une apparence quelque peu « soviétique » et manquaient de claviers, bien qu’ils étaient dotés de chouettes « générateurs de fonctions aléatoires ». À mes oreilles, les synthés de Buchla ont un son plus doux, plus fin et plus organique que les Moog.
Le Parisien Jonathan Fitoussi, praticien du minimalisme analogique, utilise constamment du matériel Buchla dans ses diverses permutations musicales. Möbius, son troisième album conjoint avec Clemens Hourrière – après deux parutions intéressantes sur étiquette Versatile –, ne fait pas exception. Möbius paraît sur une étiquette habituellement vouée à la réédition des trésors perdus de compositeurs comme Morricone et Pierre Henry. De fait, on pourrait confondre une bonne portion de Möbius avec des productions du milieu des années 70. Des pièces comme Syncussion, toutefois, reprennent la techno minimale qui émergea un quart de siècle après. On sent les effluves presque obligés de Steve Reich dans Aqueduc, tandis que Vague porte un titre qui décrit bien ses allusions crépusculaires au gamelan indonésien. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une œuvre attachante et agréable. Sa raison d’être rend Möbius accessible : il s’agit d’une œuvre commandée pour un ballet aérien (en gros, de la danse contemporaine avec beaucoup de gens qui voltigent) interprété par la vingtaine de danseurs de la Cie XY, en France, et chorégraphié par Rachid Ouramdane.