John Luther Adams (à ne pas confondre avec John Adams, sans Luther, et mieux connu) est un compositeur états-unien qui a remporté le Prix Pulitzer de musique en 2014 pour Become Ocean, un immense pavé sonore de quelque 40 minutes. Adams est d’ailleurs habitué à écrire des œuvres très longues et immersives d’un seul tenant et An Atlas of Deep Time ne déroge pas à cette habitude.
LISEZ LA CRITIQUE DE RÉJEAN BEAUCAGE À PROPOS DE BECOME OCEAN DE JOHN LUTHER ADAMS
Comme pour Become Ocean, Adams plonge l’auditeur dans un immense canevas enveloppant et mouvant, fait de flux et de reflux gigantesque qui s’étirent sur de nombreuses minutes. Adams évoque une promenade dans un désert qui était autrefois, il y a des centaines de millions d’années, une mer équatoriale foisonnante de vie. Mentalement, il y plonge et habite cet espace temporel lointain, la promenade quittant le désert pour le ‘’deep time’’, le temps profond. C’est un peu ce sentiment de plongée et d’immersion totale qu’il souhaite partager avec nous. Et ça marche. Nous sommes en effet happés, charriés tels des fétus de paille sur la houle irrévocable du passage du temps. Beaucoup de cordes basses et de cuivres sombres, des percussions lourdes et massives et des harmonies qui rappellent par endroits la 3e symphonie de Gorecki, mais dans une architecture beaucoup plus libérée, fluide. Il y a quelque chose de quasiment tellurique dans le caractère et l’ampleur de cette partition gargantuesque, mais jamais criarde, jamais irritante. Surtout, jamais imposée, comme l’est celle de Wagner, aux tendances totalitaires.
Imaginez la trame sonore fictive du retour des Grands Anciens de Lovecraft, sans l’horreur et l’effroi. Au contraire, et en effet, An Atlas of Deep Time baigne dans une lumière diffuse, filtrée à travers des vagues éoniennes, presque infinies. Oui, c’est beau, très beau même.
Le South Dakota Symphony Orchestra sous la direction de Delta David Gier donne l’impression d’être gigantesque. En tous les cas, il est somptueux et participe entièrement au succès de cette entreprise par une conviction totale dans cette partition. Écouter une telle musique dans une salle de concert de qualité doit être une expérience inoubliable.
Superbe et enivrant enregistrement d’une inspirante musique maximaliste.