Pays : États-Unis Label : Ondine / Naxos Genres et styles : Année : 2022

John Cage – Choral Works / Latvian Radio Choir / Sigvards Klava

· par Réjean Beaucage

Vous serez peut-être surpris·e.s de découvrir des œuvres chorales de John Cage, le chant choral étant souvent un synonyme d’harmonie, ce qui n’est guère la qualité principale qui vient en tête quand est évoqué le nom du compositeur. Dans les faits, il n’a écrit que deux œuvres pour ce type de formation, Hymns and Variations (1979) et Four2(1990). On trouve les deux ici, mais aussi deux de ses « musiques à numéros » : Five (1988) et Four6 (1992), des pièces pour lesquelles l’instrumentation n’est pas spécifiée, et qui peuvent donc être jouées par n’importe quelle formation.

Five est un grande réussite dans le genre, comparable à Lux Aeterna (1966), de Ligeti, mais en moins statique et, surtout, en plus angoissante (si possible!), avec une des parties rendue en chant harmonique (ou diphonique). Une très belle interprétation. Pous sa toute première œuvre destinée à une formation chorale, Hymns and Variations, pour 12 voix, Cage, contrairement à son habitude, n’a pas pris de chance (si j’ose dire) et il est parti d’un recueil de chants, The New-England Psalm-Singer (1770) de William Billings, le « père » du chant choral américain. Il a choisi deux hymnes et leur a fait subir différentes mutations (soustraction de notes, etc.). La pièce commence donc avec les deux hymnes originaux (après traitement) qui sont suivis de 10 variations. On peine par moments à croire que le chœur est enregistré en direct tant les attaques ou les fins de phrases sont abruptes, comme si l’enregistrement avait été manipulé (ce qui n’est pas la cas). Le résultat, qui sonne presque comme de l’électroacoustique, rappelle le travail de Cory Smythe (voir son album « Accelerate Every Voice »). La pièce Four2, écrite spécifiquement pour une chorale de high school, est un long drone évolutif ; ici le titre Four réfère aux quatre parties de la chorale (sopranos, altos, ténors, et basses) plutôt qu’au nombre d’interprètes, comme c’est souvent le cas avec les number pieces. Pour cette raison, le nombre d’interprètes peut varier, et l’on peut trouver sur Youtube une excellente version pour laquelle quatre chœurs canadiens et le Latvian Radio Choir ont joint leurs forces – https://www.youtube.com/watch?v=oz-2G7GTlY8 .

La dernière pièce, Four6, « pour n’importe quelle façon de produire des sons », doit beaucoup à l’ingéniosité des interprètes qui s’y frottent. Cage a simplement déterminé quatre parties pour chacune desquelles les interprètes doivent choisir 12 sons qu’ils-elles doivent émettre selon les instructions de la partition, sur une période de 30 minutes. Les voix du chœur letton appartiennent manifestement à des interprètes assez aventureux, et leur version de la pièce est vraiment très flyée… Le génie de Cage, c’est que bien qu’il laisse une place prépondérante aux interprètes, on le reconnait malgré tout. La présente version pour chœur permet peut-être plus facilement de bien comprendre le fonctionnement de la partition, et on peut ensuite écouter d’autres interprétations pour s’amuser à les comparer.Vous pouvez faire l’exercice en visionnant la version de l’Ensemble Musikfabrik – https://www.youtube.com/watch?v=SsX11Pu5GyE – ou cette autre, de Conceptual Soundproductions Budapest – https://www.youtube.com/watch?v=XUq1Ema4DkI&t=67s . Notons qu’à 26 minutes, ce dernier quatuor la joue un peu vite.

Une autre version de cette même pièce, hautement recommandable, est celle de l’ensemble montréalais Quartetski, qui a choisi de jeter son dévolu sur Cage pour son plus récent album chez Ambiances Magnétiques. Quartetski a déjà prouvé maintes fois la très grande pertinence de ses choix d’interprétation, le programme général de l’ensemble étant de reprendre des œuvres du grand répertoire moderne pour leur faire une mise à jour façon 21e siècle (leur version du Sacre du printemps de Stravinsky est un bijou). Isaiah Ceccarelli (percusion, synthétiseur), Bernard Falaise (guitare électrique), Philippe Lauzier (clarinette basse, synthétiseur) et Pierre-Yves Martel (basse électrique) déploient un univers sonore extrêmement varié (bien qu’il ne contienne en principe que 48 sons!) et nous entraîne à la suite de Cage dans un autre univers inexploré. Du grand art.

L’album Cage de Quartetski est complété par One7, une pièce, donc, pour soliste, mais qui est ici jouée à quatre. Il s’agit de la partie 1 de la pièce Four6, dont Cage a choisi de faire un solo. Force est de constater que la version à quatre est plus agréable à écouter que nombre de versions véritablement jouée en solo, dont celle du compositeur lui-même, un enregistrement de 1991 disponible sur le volume 41 de l’édition Cage de Mode Records, qui fait entendre de longues plages de silence entrecoupées d’interjections de Cage.

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