Vus de l’extérieur, certains genres musicaux très codifiés peuvent donner l’impression de virer rapidement à la formule. Pour votre humble serviteur, il peut en aller ainsi des quelques branches du grand arbre de métal lourd que sont le black metal et, surtout, le death metal. Fort heureusement, il se trouve d’iconoclastes savants fous comme les membres d’Imperial Triumphant, pour mettre à mal les codes de ces sphères musicales. Depuis sa fondation en 2005, la formation new-yorkaise prend un malin plaisir à brouiller les frontières existant entre les différents sous-genres du metal, allant même jusqu’à flirter avec le jazz et la musique classique de tradition européenne. Cette approche semblait avoir atteint son apogée avec le très bon Alphaville publié il y a deux ans, mais Spirit of Ecstasy nous démontre que les métalleux aux masques dorés n’avaient pas tout dit. Au contraire, alors qu’auparavant certains passages jazz pouvaient nous apparaître décoratifs, voire plaqués, ce nouvel opus voit Imperial Triumphant combiner les différents styles qu’il aborde de façon beaucoup plus naturelle et convaincante. L’un des exemples patents de cette intégration des genres plus réussie réside dans l’instrumentale In the Pleasure of their Company, qui colore de teintes metal le jazz électrique que préconisaient Miles Davis et Weather Report. Autre démonstration de l’expertise en métissage acquise par ces musiciens : le solo de saxophone joué par Kenny G – oui, vous avez bien lu, Kenny G! – sur Merkurius Glided. Alors que la partie jouée par le maître du smooth jazz aurait pu être une pirouette ostentatrice un brin gratuite, elle se combine en fait à merveille avec les notes tourbillonnantes émises par le guitariste. Il en va de même des cordes et des chœurs plus classiques, dont le côté dramatique se marie si bien aux assauts brutaux livrés par le groupe.
Ce grand brassage musical reflète bien la folie métropolitaine qui entoure le trio au cœur de la Grosse Pomme. C’est ce chaos urbain, ainsi que la décadence du néo-libéralisme incarnée par Wall Street, que le groupe évoque avec succès par l’entremise de sa musique tonitruante et son propos fielleux. Toute l’artillerie de la grande famille metal est déployée avec cet objectif en tête. Sur Spririt of Ecstasy, on goûte à la célérité du black metal, aux chants gutturaux du death metal, à quelques évocations thrash et aux prouesses du metal technique. D’ailleurs, d’un bout à l’autre de l’opus, le jeu hallucinant du batteur Kenny Grohowski, nous a rappelé les rythmiques complexes mises de l’avant par Michel « Away » Langevin, percussionniste des légendes jonquiéroises de Voïvod. La présence de Denis « Snake » Bélanger sur la pièce de clôture confirme d’ailleurs cette influence. Quoi? Snake et Kenny G tous deux présents sur un seul et même album? Que oui! Et ça fonctionne en diable!