Le duo californien formé de la pianiste Aivi Tran et du musicien de chiptune Steven « Surasshu » Velema a fait ses débuts avec le mémorable mini-album The Black Box, sorti en 2013, qu’ils décrivent eux-mêmes comme de la « fusion numérique », une variété exceptionnellement précieuse d’électro-pop néoclassique. La bande dessinée de la pochette et les reprises des thèmes des jeux Zelda et Katamari ont confirmé que ces sons étaient l’apanage des geeks (le couple, maintenant marié, s’est rencontré à l’occasion d’une convention de jeux vidéo). Cela leur a permis de composer ensuite la musique de la série de dessins animés pour adolescents Steven Universe, gagnante de nombreux prix, qui pose un regard bienveillant sur l’homosexualité. L’expérience leur a été profitable puisque leurs efforts se sont depuis concentrés dans le domaine des bandes sonores de jeux.
Ikenfell de Humble Games est un jeu de rôle portant sur un groupe d’apprentis sorciers dans une école de magie – un Harry Potter, en d’autres termes, pour les gens qui en ont assez de J.K. Rowling. Malgré le graphisme rétro 8 bit d’Ikenfell, la musique d’accompagnement est (pour la plupart) dépourvue d’éléments chiptune et la dimension électronique ne prime pas sur les instruments traditionnels. Le piano, les cordes, la guitare et les bois dansent décemment avec les synthés et les séquenceurs. Le contenu est énorme : 75 pistes en tout. On ne peut nier cependant qu’une grande partie est fatalement assez ordinaire, souvent banale et sentimentale. Mais il y a suffisamment de moments forts pour tenir les joueurs alertes. Il s’agit pour la plupart de segments d’une durée d’une minute qui servent à créer une émotion – beaucoup d’entre eux, du moins, alors attendez-vous à des frissons, des larmes, des hourras et des rires. Il y a aussi une demi-douzaine d’autres pièces plus substantielles dont s’occupe entièrement leur amie Sabrielle Augustin, compositrice très compétente. Les plus importantes sont les thèmes des personnages, lesquels évoquent la macro-pop ornementale et naïve de la vague Shibuya-kei au Japon au tournant du millénaire. Une brochette de chanteurs et chanteuses invités se succèdent sur ces morceaux, comme pour souligner l’accent mis par Ikenfell sur les liens sociaux.