Après quelques chouettes mini-albums, Ghetto Kumbé, de Bogota, marque une demi-décennie d’activité avec enfin un album complet, et celui-ci ne déçoit pas. Le trio a une feuille de route décente (deux des trois membres ont notamment tourné avec le groupe colombien Sidestepper, actif à l’international depuis plus de vingt ans), et il poursuit sa trajectoire, vers demain en passant par hier, avec assurance.
Les robustes dialogues de tambour de Juan Carlos « El Chongo » Puello et Andrés « Doctor Keyta » Mercado, enrichis électroniquement par Edgardo « El Guajiro » Garcés, pigent dans la cumbia et le champete par le biais de leurs ancêtres afro-colombiens, allant jusqu’à déterrer certains rythmes archétypaux d’Afrique de l’Ouest. Cette recréation en profondeur est au service d’un afrofuturisme discret, enveloppé d’une forte humidité et d’une aura ultraviolette.
« Sola » est propulsée par un intrigant motif de marimba et « Vamo a Dale Duro » est un bel exemple de house équatoriale obsédante. Señors Chongo et Guajiro s’y partagent les paroles qui dressent la liste des conflits de classe. Au beau milieu de ces luttes sociales, on trouve « Tambó », une chanson que l’on pourrait qualifier de post-romantique tant elle est enjouée bien qu’elle porte sur le désenchantement de se faire larguer. Le sentiment de solitude est de courte durée (moins de 100 ans, c’est sûr), car pour deux chansons, on accueille des femmes aux micros. L’envoûtante « Djabe » met en vedette la chanteuse réunionnaise Mélanie, qui chante en créole de son pays, tandis que la dernière pièce, l’insistante « Lengua Ri Suto », est agrémentée du créole Palenquero du collectif hip-hop Kombilesa Mi.