Bien qu’elles aient été écrites à l’origine pour des films imaginaires, la plupart des pièces de son disque Music for Films, paru en 1976, ont par la suite égayé une foule de courts et de longs métrages, sans compter un nombre incalculable de productions étudiantes et amateurs. Depuis, Brian Peter George St John le Baptiste de la Salle Eno a été passablement sollicité et en a composé des centaines d’autres, pour le cinéma comme pour la télé. Au fil des ans, les réalisateurs David Lynch, Dario Argento, Peter Jackson, Ralph Bakshi, Mamoru Oshii, Steven Soderbergh, Danny Boyle et Derek Jarman, pour ne nommer que ceux-là, ont ainsi fait appel à ses services.
La présente anthologie regroupe celles qui, à ses yeux, sont les plus réussies. La crème de la crème ! De quoi réjouir les fans, surtout qu’un bon nombre d’entre elles étaient restées jusqu’à présent inédites sur disque. Certaines nous sont cependant familières, comme cette Deep Blue Day qui, après avoir servi au film For All Mankind sur la conquête de la lune par le programme Apollo, où la pedal steel de Daniel Lanois twangue délicieusement, a égayé la fameuse scène des toilettes hyper crades dans Trainspotting, ou encore cette Beach Sequence qui agrémentait un passage de Par-delà les nuages d’Antonioni et figurait sur l’album Passengers : Original Soundtracks 1, projet conjoint d’Eno et U2. Mais cela ne fait rien, d’autant que, le plus beau dans tout ça, c’est que les pièces sont très adroitement agencées par les bons soins du maître, en mêlant les époques, les unes mettant en valeur les autres, faisant alterner suspense et état d’apesanteur, climats tendus et ambiances vaporeuses, textures sombres et sonorités lumineuses, pour le plus grand plaisir des amateurs qui ne se surprendront pas de faire tourner l’album en boucle.
Au beau milieu de toutes ces pièces à caractère ambient, on retrouve même la reprise à légère saveur country d’un tube de R&B des années 60, You Don’t Miss Your Water, que le regretté Jonathan Demme avait intégrée à sa comédie Married to the Mob. Depuis longtemps épuisée, la bande sonore de celle-ci est d’ailleurs devenue un « collector », comme le disent nos cousins d’outre-flaque, précisément pour cette chanson fort appréciée.