Avec HELP, FELP fait une entrée explosive sur la scène alternative montréalaise. Celui qu’on connaît comme musicien, réalisateur et collaborateur de plusieurs artistes tels que Hubert Lenoir, Les Louanges et Greg Beaudin lance un court album de jazz-hop progressif ébouriffant qui frappe dur et à la bonne place, et qui met enfin de l’avant une voix que l’on savait très talentueuse.
Marécageux, caverneux, sombre, disjoint, frankensteinien… ce sont tous des adjectifs qu’on pourrait utiliser pour décrire l’allure des morceaux qui se trouvent sur HELP. La musique est fantomatique, les notes basses rôdent, les percussions creusent, les passes de saxophones et les voix se fondent en une même créature à la forme indéfinissable. Gammes inhabituelles, mix vocaux glaciaux, couplets-déserts qui se transforment en refrains-jungles… Dès son premier album, FELP a une signature sonore déjà à ce point prononcée, et surtout démarquée. Le tout fait penser aux débuts ténébreux de la formation BADBADNOTGOOD qu’on aurait mêlés à la qualité énervée du rappeur et producteur JPEGMAFIA. Ça envoie du lourd.
Et qu’il est bien accompagné, ce FELP. Avec Hubert Lenoir, Klô Pelgag, Laurence-Anne, Greg Beaudin, et d’autres qui se mêlent au jeu, il aurait été facile de se perdre parmi ces présences. Mais FELP nous montre qu’il sait tout de même garder le contrôle, et il transforme ces voix familières à son avantage. Chaque artiste invité se mêle merveilleusement au son et à l’atmosphère, adopte le ton demandé en y apportant quand même son élément. On ne doute pas que FELP fait ici un travail d’alchimiste, qu’il infuse, galvanise, et transforme une bouffée d’air en une goutte de mercure. La plus grande surprise est peut-être l’allure résolument nonchalante et froide de Klô Pelgag sur babyfoot, qui, mêlée avec un rythme titubant et irrégulier, en fait un moment-phare de l’album.
L’album est donc ce merveilleux casse-tête de sensations, de grooves spectraux qui nous entourent et nous placent dans un espace inconnu. La musique de FELP nous enferme dans un miroir sphérique illuminé à l’ultraviolet, allume une machine à fumée, et nous demande ensuite d’identifier notre reflet. On comprend qu’il faut se laisser guider par les formes, se défaire de notre capacité à reconnaître, embrasser l’abstraction, et se laisser couler le temps de ces 27 minutes.
C’est donc l’OVNI de FELP qui atterrit le temps d’un instant et qui redécolle vers la Lune en faisant des vrilles. La traînée qu’il laisse derrière est violette, poudreuse, hallucinogène, et très addictive. On a déjà hâte à la prochaine visite.