Transplanté en France depuis quelques années, le Torontois Eric Chenaux peaufine sa vision résolument originale de l’art chansonnier disque après disque. Influencé par le pionnier de la guitare expérimentale qu’était Derek Bailey, il superpose à son approche novatrice de l’instrument un chant liquoreux qu’on croirait emprunté à un crooner aviné de la lignée d’un Chet Baker. Ce mariage étonnant entre, d’une part, la suavité de sa voix et, de l’autre, ses manipulations guitaristiques déstabilisantes lui a attiré un public de fidèles, avides de sensations musicales qui sortent de l’ordinaire. Une telle proposition de base pourrait rapidement virer à la formule, mais Chenaux sait la faire évoluer en beauté et évite la redite. Pour les besoins de Say Laura – son septième disque sur l’étiquette montréalaise Constellation –, l’artiste a eu recours à une boîte à rythme afin de créer des motifs rythmiques qu’il ralentit et fait passer à travers le trajet du signal de sa guitare. Ce procédé confère à ses nouvelles compositions une pulsation plus marquée qu’auparavant. Joint au piano électrique Wurlitzer 200A par son fidèle collaborateur Ryan Driver, Chenaux créée ainsi un univers musical onirique qui se rapproche des moments les plus rudimentaires de Sun Ra. De plus, alors que sur un album tel que le très réussi Skullsplitter (2015), l’artiste faisait alterner pièces instrumentales et morceaux chantés, il allie maintenant les deux formes sur cinq longues ballades qui dépassent toutes la barre des sept minutes. Cela nous donne de purs moments de grâce comme l’ample envolée improvisée qui clôt la magnifique Hold the Line, ultime pièce au programme. De plus, le créateur assume davantage sa fibre mélodique et se permet de pondre des ritournelles plus accrocheuses. La chanson-titre en est un irrésistible exemple. Au final, une fois de plus, Eric Chenaux nous a concocté une œuvre qui réussit à être exigeante d’un point de vue formel tout en étant fort émouvante. Un bien bel exploit!
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