Je corrige ici une grave faute : celle d’être passé à côté de cette importante sortie musicale en juin dernier. La vie d’un mélomane/critique est difficile vous savez. On reçoit des tonnes d’albums, puis, dans l’une des proverbiales fissures de la vie, floup! disparaît l’un de ceux-ci. On le retrouve plus tard et après une bonne tape sur le front, on l’écoute avec encore plus d’attention (je sais : il y a pire dans la vie….)!
Bref, c’est ce que j’ai fait avec ce Jean Baur – Chamber Music proposé par la toujours excellente violoncelliste Elinor Frey. J’aurais quasiment pu écrire cette critique sans écouter l’album et en n’utilisant que des commentaires positifs, avec le même résultat que maintenant, tellement l’artiste québécoise est remarquablement assidue et cohérente dans la qualité des projets qu’elle porte. Mais, bien sûr, j’aurais manqué à mon devoir de rigueur et d’intégrité, et, surtout, raté l’écoute d’un autre album remarquablement interprété, éruditement documenté et parfaitement enregistré. Qui plus est, il s’agit du premier album entièrement consacré à la musique de ce compositeur largement oublié depuis sa mort quelque part après 1773.
Que dire d’autre sinon que Elinor poursuit sa mission de défrichage du répertoire des premières décennies du violoncelle, émancipé de son rôle strict d’accompagnateur. Les 17e et 18e siècles sont à ce titre très riches, et les découvertes passées de l’artiste, dans quelques greniers de bibliothèques en Italie et en Allemagne, sont ici répétées chez en France.
Jean Baur était harpiste, mais on le soupçonne aussi d’avoir été violoncelliste tant son écriture pour l’instrument est fluide et aisée. On devine qu’il connaissait bien, peut-être intimement, le violoncelle. Nous avons donc ici de très belles œuvres pour violoncelle, mais également pour harpe, en format plus ou moins étoffé. Duos et trios se taillent la part du lion du programme, constitué d’une musique franche et et élégante, dépouillée du surcroît habituel de fioritures propre au style français. C’est pourquoi j’associe volontiers la plume de M. Baur à l’esthétique italienne (pour la simplicité des mélodies, et leur caractère très direct), sans pour autant en être un franc représentant, car ses partitions relèvent beaucoup plus du salon distingué que de l’esbrouffe de ruelle des équivalents italiens de l’époque. Contrairement au feu incandescent des latins, et de leur propension aux effets spectaculaires, Baur écrit avec un souci de la courtoisie des rythmes et des émotions suscitées.
Elinor Frey est accompagnée, c’est selon, par Antoine Malette-Chénier à la harpe, Mélisande McNabney au clavecin et au pianoforte, et Octavie Dostaler-Lalonde au violoncelle. Ensemble, ils forment ce qui ressemble à une toute nouvelle formation, Accademia De’ Dissonanti, à qui on ne peut que souhaiter longue vie!
L’album a été superbement enregistré au Domaine Forget