J’ai un vieil ami qui a pour mot d’ordre de n’écouter que les albums officiels des artistes qu’il chérit. Il n’accorde aucune attention à leurs compilations, captations en concert, mini-albums ou chansons inédites. « S’ils ne l’ont pas mis sur l’album, c’est que ça ne vaut pas la peine qu’on s’y attarde, » aime-t-il me répéter. Afin de lui faire prendre la mesure de tout ce qu’il manque, je vais attirer son attention sur les disques de la série Switched On qui compilent méticuleusement le matériel que la formation franco-britannique Stereolab n’a pas inclus sur les douze albums que compte sa discographie. Côté qualité, ces anthologies atteignent les mêmes cimes que les meilleurs albums formels du groupe. Voilà qui devrait lui clouer le bec.
Ce quatrième chapitre dudit projet Switched On couvre les dix dernières années d’existence de la bande menée par Tim Ganes et Laetitia Sadier avant sa dissolution en 2009. Pour le groupe, cette période s’amorçait avec la parution de l’opus intitulé Cobra and Phases Group Play Voltage in the Milky Night, disque malmené par des critiques qui trouvaient que la musique de Stereolab était devenue froide et redondante. On se souvient du médiocre 3,7 sur 10 alloué par Pitchfork ainsi que du NME qui, dans sa chronique assassine, avait eu l’idée fort douteuse de comparer le groupe à Adolf Hitler ! Pourtant, la présente anthologie nous démontre qu’au tournant du millénaire, Ganes, Sadier et compagnie n’avaient pas dit leur dernier mot. Servies en entrée, les sept pièces du mini-album The First of the Microbe Hunters (2000) font état de musiciens allumés qui prenaient toujours un malin plaisir à brasser dans leur marmite les influences les plus diverses : krautrock, électro, minimalisme, rock psychédélique, chanson pop française…
La suite du banquet offert sur Electrically Possessed prouve hors de tout doute que les critiques qui ont levé le nez sur les derniers albums du groupe erraient puisque nous y trouvons des compositions qui figurent parmi les plus audacieuses qu’il ait endisquées. Plusieurs de ces pièces déstabilisent par des ruptures de ton qui leur font emprunter des chemins imprévisibles. Une mention spéciale est accordée à l’excellente Dimension M2 sur laquelle la formation rendait un hommage inattendu à Giorgio Moroder. Parmi les autres trésors que recelaient les voûtes stereolabiennes, se trouve Calimero, clin d’œil adressé au petit poussin des dessin animés, où s’invitait nulle autre que sa majesté, l’auto-proclamée reine des folles en personne, Brigitte Fontaine. Décidément, la discographie parallèle de Stereolab est aussi fascinante que sa production plus officielle !