Le violoncelliste québécois Dominique Beauséjour-Ostiguy est un récipiendaire du Prix d’Europe (2018). Mais avec Aux deux hémisphères, ce n’est pas seulement en tant qu’interprète qu’il s’exprime, c’est surtout comme compositeur. Six pièces, dont deux sonates pour violoncelle en bonne et due forme, tapissent un album qui risque de faire de nombreux émules du jeune artiste dans le grand public.
Je dis grand public car le panorama harmonique du compositeur est résolument mélodique et tonal. Cela dit, c’est profondément différent du néoclassicisme actuel, qui flirte aussi avec l’accessibilité. En effet, si on doit qualifier la musique de Dominique Beauséjour-Ostiguy, on dira plutôt néoromantisme, tellement on se retrouve plongé en fin 19e/début 20e siècles, particulièrement du côté slave de l’époque. La structure est donc hyper traditionnelle, mais attention, même le puriste le plus cynique devra lever son chapeau devant la puissance émotive et la force mélodique qui ressort des six opus de l’album.
Si les compositions néoclassiques qui foisonnent en ce moment n’offrent généralement qu’une seule idée mélodico-rythmique, essentiellement étirée pendant 3 ou 4 minutes sans autre exploration en profondeur, Beauséjour-Ostiguy, lui, tisse plutôt une riche trame dramatique évolutive qui se transforme en cours de route et virevolte autour de nombreuses idées convoquées en même temps.
Les deux sonates proposées, divisées classiquement en trois mouvements rapide-lent-rapide, témoignent bien de l’ambition du jeune homme. On remarque l’élégance de ses architectures formelles, mais surtout son habileté à en combler l’espace disponible avec des idées à la fois simples et débordantes de détails. Notons que la partition pour piano, superbement rendue par Jean-Michel Dubé, n’est pas en reste en ce qui concerne le raffinement de l’écriture. Impressionnant.
Le jeune compositeur fait appel à plusieurs truismes coloristiques et thématiques hérités de Rachmaninov, Tchaïkovsky ou Dvorak, mais ne se limite heureusement pas à les citer. Il les insère dans un développement expansif qui permet à ceux-ci de contribuer à l’épanouissement des phrases plutôt que de limiter leur évolution en devenant uniquement pastiches.
Autrement dit, la musique de Dominique Beauséjour-Ostiguy a beau être harmoniquement et structurellement coutumière, son sens aigu du discours, sa remarquable intuition mélodique et sa force expressive en tant qu’interprète rendent le tout non seulement très séduisant et accessible, mais intellectuellement satisfaisant autant pour le profane que pour l’érudit mélomane.
On est happé par les propositions musicales de Dominique et on se prend même à imaginer l’impact que ce type d’énergie affective et de riche mélodisme aurait s’il était associé, par exemple, à un film de Xavier Dolan. Bon sang, ces deux-là iraient bien ensemble! Vite, quelqu’un, confiez une trame sonore à ce garçon.