Sous le soleil californien, on a peine à croire que le black métal puisse être la trame sonore idéale pour contempler une quelconque solitude estivale. C’est pourtant ce paradoxe que propose Lonely People With Power, un album qui ré-affirme la place de Deafheaven après une série d’opus relevant de la crise identitaire pour le quintette américain.
Après avoir révolutionné les codes du black métal sur Sunbather (2013), un album aussi louangé que controversé, Deafheaven a tantôt essayé de consacrer son statut de groupe métal, et tantôt essayé de se distancier complètement de cette scène. Alors qu’on avait un album plus pesant truffé de riffs à la Slayer sur New Bermuda (2015), tout cela est délaissé complètement sur le très shoegaze et malaimé Infinite Granite (2021). Sur son nouvel opus, le groupe réalise plutôt une synthèse de tout ce qu’il a voulu être au fil des années. Et la formule fonctionne très bien, même si on peut la trouver un peu redondante après l’heure et des poussières que durent Lonely People with Power.
Le coeur du disque est consitué de morceaux très agressifs enchaînant les riffs en trémolo soutenus par les blast beats incessants de la batterie. Ce qui donne la couleur particulière à Deafheaven, c’est un jeu de clairobscur qui brouille la mélancolie et l’espoir dans le choix des accords martelés. On a donc la texture abrasive d’un genre qui a fait ses dents dans la norvège glaciale des années 1990, mais avec des couleurs plus chaudes et une aura de légèreté rafraîchissante. Le hic ici, c’est que les morceaux se confondent les uns avec les autres et proposent peu de nouveauté par rapport à Sunbather. Là où la texture se diversifie, c’est surtout lors des interludes (Incidental I, II et III) où s’invitent notamment les voix de Boy Harsher et Interpol sur des expérimentations plus libres. Les longueurs sont compensées par l’avant dernière pièce, la très épique Winona, qui aurait bien pu servir de finale.
Bref, on sent que Deafheaven s’est réconcilié avec son identité, identité fatalement liée à l’impact que Sunbather a eu dans l’évolution récente du métal. Lonely People with Power n’aura certes pas un poids comparable, mais l’album relève honorablement le défi de faire suite à un objet culturel indétrônable.