Cordâme est un ensemble qui bourlingue sa personnalité métissée de classique, d’impro plus ou moins jazz et de couleurs traditionnelles non européennes depuis 2004. Le contrebassiste Jean-Félix Mailloux en est l’inspirateur et l’inspiration principale. Si les albums précédents faisaient la part belle à l’univers d’un compositeur classique largement revisité (Satie, Debussy) ou la rencontre avec un grand du jazz (François Bourassa – 2020), ce Da Vinci Inventions pousse le syncrétisme un cran plus loin, je dirais même plus haut (en terme de qualité) en puisant dans le riche héritage de la musique du 16e siècle, celui de la Renaissance, associé à l’une de ses icônes principales : Leonard de Vinci.
De Vinci est certes une attrayante excuse pour illustrer de façon évocatrice l’idée d’un album centré sur la musique de la Renaissance italienne, mais c’est une excuse valable. En effet, le génie était tout aussi habile musicien, paraît-il, qu’ingénieur, peintre ou scientifique. La pandémie de COVID-19 ayant mis un terme au déploiement de plus d’un projet musico-théâtral, celui d’un spectacle de ce genre mijoté par Mailloux et son équipe est désormais accessible en tant qu’album. Le spectacle devrait pouvoir reprendre vie une fois la crise sanitaire calmée, mais pour l’instant, ce que nous avons c’est la musique gravée. Et celle-ci est très intéressante!
L’impression d’entendre de la musique vieille de cinq siècles est à la fois bluffante et déroutante. Bluffante car Mailloux a manifestement très bien infusé les couleurs, les rythmes, les atmosphères et le langage vital de la musique de cette époque. Déroutant car, même si le caractère est parfaitement typé, on est également ailleurs. Comme si on venait tout juste de retrouver des partitions écrites par ledit Leonard de Vinci et qu’à l’image de ses autres créations et inventions, il réussissait à synthétiser la pensée (musicale) de son époque tout en la modernisant au point où certains éléments nous apparaîtraient étrangement modernes. Fascinant.
Les musiciens de l’ensemble sont désormais bien au diapason les uns des autres. La catharsis sonore est convaincante et l’équilibre entre les voix instrumentales est excellent (chapeau à Jean-Félix pour ce savoir-faire qui impose le respect). Mais, il faut le noter, ce qui ressort comme le joyau de la couronne de ce Da Vinci Inventions, c’est la présence de la sublime Coral Egan. Cette voix angélique, au timbre parfaitement centré, sans aucun vibrato lyrique hors contexte et surtout cette aisance plastique renversante doublée d’une justesse parfaite, c’est envoûtant. Ceux qui connaissent déjà la beauté hypnotique des voix de l’ensemble vocal Anonymus 4 et leurs enregistrements de la musique de Hildegarde von Bingen, sauront à quel point ce type de chant est séduisant et bienfaisant.
Aux côtés de Jean-Félix et sa contrebasse (et en appui essentiel à ses partitions!), Marie Neige Lavigne (violon), Sheila Hannigan (violoncelle), Éveline Grégoire-Rousseau (harpe), Coral Egan (voix) et Isaiah Ceccarelli (batterie). Bravo tout le monde!!
Branchez-vous sur leur page Facebook pour savoir à quel moment le groupe sera dans votre coin du Québec plus tard cet été et cet automne, une fois les restrictions sanitaires allégées!