À 86 ans, Charles Lloyd reste un maître conteur des sons, son saxophone déborde de sagesse et aussi d’espièglerie. Soutenu par un autre quartette phénoménal, soit Jason Moran au piano, Larry Grenadier à la basse et Brian Blade à la batterie, le légendaire jazzman suggère un double album des plus solides et fait l’éloquente démonstration qu’il n’a pas perdu la main, loin s’en faut.
Le premier morceau, Defiant Tender Warrior, donne le ton, joliment et fermement. Cette pièce oscille entre les tendres soupirs du ténor de Lloyd et les chaudes explosions d’énergie de son groupe. Le piano de Moran ondule à ses côtés, tandis que la batterie subtile et dynamique de Blade maintient le tout en mouvement. The Sky Will Still Be There Tomorrow laisse place à des moments de pure joie désinhibée, comme Monk’s Dance, où les accents rythmiques sournois de Moran et Blade semblent pousser Lloyd vers un final sauvage et extatique.
Mais ce sont les moments plus calmes qui restent vraiment en mémoire. The Water Is Rising met en valeur le jeu de flûte de Lloyd – plaintif et obsédant, entre prière et souvenir.
La pièce titre, The Sky Will Still Be There Tomorrow, ressemble à une douce promesse : même si la vie change, certaines choses perdurent. La dernière chanson, When the Sun Comes Up, Darkness Is Gone, vous laisse le même sentiment, une sorte d’expiration de paix et de contentement.
C’est un album spécial de Lloyd : il laisse la place à la joie et à la perte, à ce qui est éphémère et à ce qui dure. Cet opus est honnête et profondément humain, à l’image de son concepteur. Nous avons de la chance de pouvoir encore compter sur lui.