Au début du livret BD-recueil de paroles qu’il a lui-même illustré pour son album Vu d’ici, Ben Lupus mentionne un certain Bernardo D’Ascola, « frère mineur et copiste », auteur de l’ouvrage Le berceau du monde et le chemin des âmes justes, qui aurait été condamné au bûcher pour hérésie à Milan, en 1298. Le livre de D’Ascola aurait brûlé avec lui, mais il en subsiste dix-sept fragments, semble-t-il. Dans l’un d’eux, on peut lire ceci : « […] il arrivait encore alors que les femmes se changent en louves, en ourses ou en corbeaux; il arrivait qu’elles se changent en chansons. » Ça nous situe : on a affaire à un esthète-musicien-dessinateur-fabulateur-de-grimoire. Vu d’ici est le quatrième microalbum solo de Ben Lupus, si l’on compte les deux publiés sous l’alias Forêt Future. Ben fait partie du collectif annécien Coming Soon avec entre autres Leo Bear Creek, moitié du duo The Pirouettes, qui joue ici de la batterie sur deux pièces. Alex Van Pelt, aussi de Coming Soon et du duo électro Mont Analogue (avec Lupus), contribue aussi à trois chansons. Six chansons au programme. Tout d’abord Barbara, ballade acoustico-bidouillante qui rappelle au musicophile à la fois le Kent Cokenstock de la période Nouba et le Thomas Fersen d’en général. Ben enchaîne avec la délicate Cet endroit, puis Encore une fois où Alex Van Pelt se module quelque peu la guitare. Merle maudit est éminemment thomas-fersenienne dans sa mélodie et son thème animal. La tempête comporte les paroles les plus mélancoliques de l’album, notamment « N’ai-je pas mérité cette fête – Toutes ces lumières dans le lointain – On dirait un grand ciel d’été – Une maquette de nos vies passées ». Fort de la plume également donc, notre Ben. Puis arrive la chanson-titre, franchement folk-rock, qui clôt ce microalbum très réussi.
