À Saint-Étienne, dans le sud-est de la France, subsiste le gaga, un parler ancestral issu de la langue francoprovençale. De ce langage populaire au vocabulaire touffu nous vient le qualificatif « beauseigne », qui signifie « pauvre petit », un terme qui exprime la compassion et connote la pitié. Sensible au pitoyable et originaire de Saint-Étienne, le jeune rappeur-chanteur Zed Yun Pavarotti – Charlan Zouaoui-Peyrot à la ville –, 23 ans, a donc intitulé son premier album Beauseigne. Après avoir tâté de la théologie à Strasbourg, Zed a plutôt opté pour la vocation de musicien. Ce qui ne l’empêche pas de chanter « J’suis sauvé enfin, mon Dieu – J’vais pleurer même dans l’infini – T’auras ton prix, ton âme », dans Mon Dieu.
Outre Beauseigne, consistant recueil de quatorze pièces, la discographie naissante de Zed Yun Pavarotti comporte deux mixtapes, Grand Zéro (2018) et French Cash (2019). Zed s’est abreuvé à diverses sources musicales, dont le classique, la pop et différentes déclinaisons de rock, avant de passer au rap. Jusqu’à maintenant praticien du cloud-rap à tendance mélancolique, Zed élargit sa palette sur Beauseigne. La structure des pièces est souvent pop. Le phrasé rap et le recours à Autotune demeurent, mais les passages chantés sont fréquents. Le refrain de Des larmes semble sortir de la bouche de Nicolas Sirkis, d’ailleurs. Les rythmes sont entrelardés de guitare, on sent l’influence de l’hyperpopulaire Post Malone. Les textes sont travaillés, alors que ceux des mixtapes étaient improvisés. On a même droit à des ballades guitare-voix et piano-voix : Interlude, Merveille, Un jour, Rien ainsi que Mon frère, dédiée à son copain beatmaker Osha, qui lui donne un coup de main sur Beauseigne.
Le musicophile tient ici un album rap-pop qui lui révèle un créateur ouvert, attachant et à la rime relevée.