Après avoir parsemé l’année précédente de simples et d’EPs afin de faire mousser son projet, c’est le moment pour Ariane Vaillancourt, alias Anna Valsk, de dévoiler l’entièreté de sa proposition musicale: Morphologies, un album dont l’objet est de ressentir l’effet profond du passage des saisons. L’auteure-compositrice-interprète, qui œuvre dans la scène musicale québécoise depuis une dizaine d’années, nous offre onze chansons témoignant de son talent compositionnel et de sa curiosité créatrice.
La palette sonore est variée: synthétiseurs scintillants, piano, cordes, vents, harmonisation vocale et chorales, percussions réelles ou programmées… Un écosystème sonore texturé nous est présenté dans toute son harmonie et nous traverse comme un souffle de vie, empruntant à la chanson, au folk, au jazz, à la musique de chambre et à l’électro. L’artiste y assume le poste de réalisatrice, avec pour acolytes Philippe Lussier-Baillargeon et David Méliès.
Les chansons voguent et se transforment, oscillent entre leurs différentes parties, grandissent et éclosent. Par exemple, Wash Your Soul, le plus long morceau de l’album, est un véritable solstice d’été évoluant en un chant triomphal et libérateur, avant de se refermer doucement comme il s’est ouvert d’entrée de jeu. Anna Valsk nous porte à travers les saisons: on se retrouve en hiver avec l’éparse et sentimentale On tient le monde à bout de bras. puis au printemps avec la fine brise renaissante d’Au temps des lilas, en plein crépuscule humide et estival avec Jamais, finalement en automne dans le refroidissement nostalgique de Rose des vents. Réussi haut la main !
Au cœur de cette progression, nous avons le chant et les mots d’Anna qui en sont les fils conducteurs. Douce et aérienne, cette voix nous accompagne et nous rassure à travers ce voyage. La poésie est une des grandes forces du projet: exploratrice, avide, sensorielle, obsédée par le corps et ses moindres recoins – la morphologie désignant après tout la configuration même de la matière. Cette tendresse et cette maturité se révèlent perméables à la force du temps. « Ce n’est pas un au revoir, c’est un à bientôt », chante l’artiste sur sa chanson titre. Quoi qu’on veuille en faire, les feuilles finissent toujours par être remplacées par de nouvelles.
Dans cette assomption du temps cyclique, dans la délicate sauvagerie du laisser-aller, entre courant chaud et courant froid, cet album nous parvient, nous traverse et nous transporte. Et ce, tant et aussi longtemps qu’on le voudra.