À qui voulait bien l’entendre, la grand Alain Bashung parlait d’Einstürzende Neubauten en ces termes : « C’est pas qu’du bruit, vous savez, pas qu’du bruit. » Et il avait bien raison, l’Alsacien. D’autant plus que depuis le tournant du millénaire, la musique de Blixa Bargeld et de sa bande s’éloigne de plus en plus de la furie qui l’animait dans les années quatre-vingt. Elle est maintenant bien loin, l’époque où grâce à ses cris suraigus et son jeu de guitare frénétique, Bargeld impressionnait Nick Cave qui le recruta afin de donner naissance à la première mouture de ses Bad Seeds.
Passées la brinquebalante (et excellente) Ten Grand Goldie et Am Landwehrkanal qui étonne avec ses airs de vieille ballade irlandaise, les choses se calment, mais l’atmosphère se remplit de tension. L’orage peut éclater à tout moment comme le prouvent les déflagrations tonitruantes qui parsèment Zivilisatorisches Missgeschick. Ensuite, des cordes viennent enrober les perles noires que sont Taschen et Seven Screws. Plus que jamais, les musiciens prennent tout leur temps pour explorer les possibilités que leur offrent leurs instruments bricolés. Plus que jamais, Bargeld chante tout bas, récite posément.
L’émouvante chanson-titre bercée par les accords d’un harmonium est un autre moment fort du disque. Tout comme la mélancolique Grazer Damm, barque remplie de fleurs qui progresse en douceur sur des eaux sombres et tranquilles. Finalement, les échos d’une harpe illuminent Tempelhof, dernière chanson d’un disque qui bien que surplombé de nuages inquiétants, n’est pas dénué d’espoir. Avec Alles in Allem, Blixa Bargeld et ses acolytes nous font la démonstration que même s’ils font moins de bruit que dans leur folle jeunesse, ils n’ont pas perdu la main.