Après avoir dû annuler l’édition de 2020 du FIMAV, qui aurait été la 36e (vous pouvez mesurer l’ampleur du deuil des organisateurs en consultant la programmation qui avait été préparée pour l’occasion – https://www.fimav.qc.ca/fr/2020), il était impensable que le FIMAV en soit réduit à devoir annuler une deuxième édition de suite, pour la première fois de son histoire. Alors, basta, il y aurait bien une 37e présentation en 2021, même si ça pouvait paraître prématuré à certaines personnes (dont votre humble serviteur, qui, à regret, n’y a pas mis les pieds). Trois jours d’une programmation locale (canadienne) présentée contre vents et marées devant un public distancié, lavé, masqué, etc. Et puis 2021, c’est quand même aussi l’année du 35e anniversaire des Disques Victo, alors il fallait marquer le coup. C’est donc avec un concert enregistré durant cette édition pandémique que le directeur du festival et de l’étiquette, Michel Levasseur, a choisi de le faire.
Le FIMAV a derrière lui une histoire qui a débuté en 1983, et la première publication de son étiquette a été l’enregistrement d’un concert du 4 octobre 1986 donné par Fred Frith et René Lussier (« Nous autres »). Trente-cinq ans plus tard, Lussier (guitare et daxophone), qui est un habitué, revient sur une scène du FIMAV avec ses acolytes Érick d’Orion (électroniques), Robbie Kuster (batterie) et Martin Tétreault (tourne-disques, électroniques). Avec un pareil quartette, on pourrait s’attendre à une bonne dose de bruit (surtout avec une pochette qui parodie celle de « Made In Japan » de Deep Purple!), mais le disque commence étonnamment en douceur, puis se construit et s’enfle d’une manière parfaitement organique, malgré quelques étranges soubresauts (n’est-ce pas La Poune que j’entends râler sous l’aiguille de Tétreault, de sa voix charmante que vient appuyer celle, tout aussi texturée, du daxophone?).
Si Tétreault et D’Orion, que l’on a certes déjà connus plus bruitistes, sont difficiles à distinguer l’un de l’autre, Lussier est indéniablement le soliste dans cette aventure, à la guitare ou au dax. Robbie Kuster sait tout aussi bien que ses comparses faire preuve de retenue et le son de sa batterie se fond magnifiquement dans les méandres qui se développent au fil des improvisations. Un peu surpris, par ailleurs, de lire dans le communiqué qui annonce le CD qu’il témoigne « d’une heure d’ambiances tonitruantes (…) et de masses sonores pesantes », parce que ce n’est pas vraiment ce qui se dégage de mes écoutes, mais bon, sans doute qu’il fallait y être.