Pop Montréal : Joe Rainey, pow-wow d’un autre type

Entrevue réalisée par Alain Brunet

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À l’évidence, l’album Niineta s’inscrit parmi les enregistrements d’envergure issus de culture autochtone contemporaine. Les rythmes lents, d’une lourdeur dramatique et la linéarité organique de ce périple de dix pièces inter-reliées se démarquent clairement du paysage sonore dépeint par les artistes issus des premiers peuples d’Amérique du Nord.

Ainsi, le chanteur et producteur Joe Rainey a fait un grand pas : ses valeurs autochtones de la méditation et de la connexion contemplative avec l’univers se trouvent assorties d’un discours électronique hors du commun. Ambient, dub, industriel, techno ou post-minimalisme se fondent ainsi dans le pow-wow d’un autre type.

Le chant traditionnel de cet artiste ojibwe s’inscrit donc dans un nouveau contexte, à la fois soucieux de la tradition orale et d’un saut vertigineux dans le présent et l’avenir. L’univers numérique devient ici un complément parfait à l’expression de cet artiste soucieux d’actualiser le legs musical de ses ancêtres. 

Puisque Joe Rainey figure au même programme que Tortoise ce samedi, dans le contexte de Pop Montréal, PAN M 360 marque le coup et joint l’artiste chez lui, dans la région de Green Bay, Wisconsin. 

Nous parlerons essentiellement de l’excellent Niineta, coproduit avec son collègue Andrew Broder, musicien et producteur électronique de Minneapolis. Rappelons que l’album a été rendu public en mai dernier sous étiquette 37d03d.

PAN M 360 : Vous êtes basé dans une zone urbaine, n’est-ce pas?

JOE RAINEY : Je suis un Ojibwe de la réserve Red Lake du Minnesota. Je sui toutefois né à Minneapolis où j’ai grandi. Je n’ai jamais vécu pendant une longue période dans la réserve de Red Lake, mais j’y suis souvent allé en visite. Je suis donc un autochtone urbain.

PAN M 360 : On le constate effectivement dans votre intérêt profond pour la musique électronique et autres formes expérimentales. En même temps, il est impossible de dire que vous n’êtes pas proche de vos racines.  Wow!

JOE RAINEY : Les gens pourraient réduire mon travail à de la musique pow-wow chantant avec des beats électros mais… c’est en fait quelque chose dont je suis très fier. La fusion musicale qui s’est opérée avec mon ami Andrew Broder est constituée de compositions originales de ma part. Elles ont été réalisées en écoutant ce que Andrew Broder m’a envoyé au fur et à mesure. Je me suis donc assis à l’endroit même d’où je vous parle, et j’ai créé chaque chanson que vous entendez, moulée dans le beatmaking suggéré par Andrew. 

PAN M 360 : Le résultat est très spécial, sans aucun doute.

JOE RAINEY : Merci! Mais au début, vous savez, je n’avais pas l’intention de le rendre public. Ce que vous avez entendu  devait être un projet personnel. Or, vers la fin de ce processus, j’ai commencé à penser à qui j’étais en tant qu’artiste autochtone contemporain. Et si j’avais quelque chose à dire, ce serait exactement ça. Alors j’ai voulu aller vers ça,  avec tout ce qui était derrière moi, tout ce que je connaissais de ma culture musicale et qui m’avait précédé.

PAN M 360 : Vous voulez dire que votre vie personnelle et votre culture sont les fondements de votre musique.

JOE RAINEY : Oui, je n’ai pas fait cela tout seul, c’est juste l’idée que j’avais dans ma tête que vous entendez. Donc je voulais exprimer cette idée d’une manière ou d’une autre et j’avais un ami qui m’a aidé.  

PAN M 360 : Il y a maintenant quelques artistes indigènes impliqués dans de nouvelles formes de musique, instrumentale ou électronique, mais nous ne connaissons pas vraiment d’autres musiques d’ambiance de ce type! De même, la musique avec une harmonisation raffinée comme vous le suggérez est rare.

JOE RAINEY : Eh bien, certaines musiques d’église dans la culture indigène comportent des harmonies, ce n’est pas si nouveau. Cependant, je n’étais pas inspiré par cette musique…Je peux aussi indiquer que certains chants pow-wow sont des harmonisés. Et quand Broder m’a dit « Hé, tu sais que tu en as? », j’ai répondu « Non, je ne savais pas ». Et certaines de mes prises ont fini par s’harmoniser naturellement, avec l’aide de mon collègue.

PAN M 360 :Comment décririez-vous ce qui vous est venu à l’esprit pour accomplir ce travail  important?

JOE RAINEY : Collaborer au cours des cinq ou six dernières années avec différents artistes qui ont été samplés, cela a en quelque sorte créé un espace dans mon esprit pour que cette créativité puisse fleurir. Pendant ce temps de création, j’écoutais aussi des expériences autochtones de musique électronique, A Tribe Called Red par exemple. Donc je pense que tout ça s’est agglutiné dans mon esprit. Et puis tout est sorti pendant la quarantaine, juste avec la possibilité d’avoir ce temps pour vraiment intérioriser. Tout ce que j’ai fait dans cet album a été fait pendant la quarantaine, dans cette pièce, avec ces instruments et ces ordinateurs.

PAN M 360 : Avant la pandémie, que faisiez-vous? On ne disait pas que c’était totalement différent, ou que vous étiez des producteurs électroniques qui chantaient.

JOE RAINEY : Je suis un chanteur de pow-wow depuis un bon moment. Je suis aussi un archiviste. Je récolte, je compose, j’enregistre, je chante. De plus, j’ai un emploi de jour parce que j’ai une famille à soutenir. Mais j’ai eu la chance de rencontrer des gens par le biais de la musique, ça m’a vraiment ouvert mon côté musical qui a toujours été là toute ma vie. Cet album est donc le point culminant  de toutes ces années de travail, recherche et de rencontres, j’ai peut-être créé mon propre truc.

PAN M 360 : Quel genre d’archiviste êtes-vous?

JOE RAINEY : J’utilise des archives de toutes les périodes à partir des années 40.  Je connais quelqu’un qui les a toutes, donc je peux travailler avec cette matière.

PAN M 360 : Comme Jeremy Dutcher au Canada?

JOE RAINEY : Vous savez, j’ai eu quelques conversations au cours desquelles il m’a été présenté. L’album qu’il a fait, est très beau, très bien conçu. Mais jusqu’à récemment, je ne le savais pas. Et c’est tout à fait dans mes cordes.

PAN M 360 : Comment jouez-vous cette musique en concert?

JOE RAINEY : Andrew Broder et moi nous produisons en duo. Nous nous connaissons depuis un certain nombre d’années, nous avons fait des choses ensemble avant cet album. Et il a laissé la porte ouverte pour que je puisse lui demander de l’aide. Donc je lui ai demandé d’aider et il a été impliqué dans tout le processus. Il est l’autre moitié, il est plus responsable de la production, et moi de l’aspect vocal.

PAN M 360 : Êtes-vous aussi impliqué dans la production?

JOE RAINEY : Oh oui! Beaucoup de samples que vous entendez sont mes samples, donc je l’ai coproduit, en échangeant des informations et de la musique pendant la quarantaine et ce n’était jamais un processus difficile, jamais un processus difficile de travailler avec Broder, juste parce que c’était si naturel.  Broder m’a envoyé une longue série de beats et de sons. J’ai dû réfléchir à ce que je voulais chanter et à ce que je voulais transmettre.  

C’est comme chacun d’entre nous définissait la phrase de l’autre.

PAN M 360 : Y a-t-il une proposition audiovisuelle à votre concert?

JOE RAINEY : Pas exactement. Nous essayons de laisser chacun faire l’expérience de la musique, en déterminer le sens. Seulement à travers le son, nous voulions que les gens passent par beaucoup d’émotions, que ce soit heureux, triste, effrayé, doux ou fort.  Nous voulions juste que les gens s’immergent complètement, qu’ils ressentent vraiment ce qu’ils entendent, plus que ce qu’ils voient.  

PAN M 360 : Seriez-vous d’accord avec l’idée que votre travail peut aussi relever de la transe ou de la méditation?

JOE RAINEY : C’est aussi de cette façon que je l’ai envisagé. 

JOE RAINEY SE PRODUIT CE SAMEDI, 20H30, AU THÉÂTRE RIALTO, PREMIÈRE PARTIE DE TORTOISE

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