Marc Boucher, le Festival Classica et la relance de l’opéra

Entrevue réalisée par Alain Brunet

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La COVID a eu un impact très négatif chez les artistes de la musique classique, particulièrement ceux dont le pain et le beurre se trouvent en bonne partie à l’étranger.  Alors? Il faut relancer l’offre locale pour faire travailler instrumentistes, chanteuses, chanteurs, compositrices, compositeurs. 

Très sensible au problème, le baryton Marc Boucher va de l’avant pour améliorer le sort de ses collègues. Il s’affirme aujourd’hui parmi les développeurs clés de la grande famille classique au Québec.

Toujours à la barre du Festival Classica , qu’il a fondé et dont il assure la direction artistique, le chanteur et organisateur commente ici l’annonce d’une division lyrique mise en place par son festival, soit le Nouvel Opéra Métropolitain prévu en 2023.

Cette annonce vient avec celle des 22 programmes de la 12e présentation de cet événement annuel de musique classique présenté sur la Rive-Sud, soit du 27 mai au 19 juin prochains.

Fondé en 2011 par le baryton Marc Boucher, le désormais incontournable Festival Classica a pour mission de « promouvoir un espace public qui provoque la rencontre entre la musique classique au sens large, les artistes, la relève musicale et la population, tout en priorisant l’embauche prépondérante d’artistes québécois et canadiens ». 

PAN M 360 : Pendant la COVID, la fermeture des marchés internationaux a causé un tort considérable aux artistes dont le modèle d’affaires repose sur les embauches internationales. Leur situation était déjà précaire, ça va de mal en pis… Quelle est votre perception?

MARC BOUCHER : Dans le monde de l’opéra en général, ça ne va pas bien. Les maisons ferment, le modèle est à revoir. Prenons Bastille à Paris, on a embauché Alexander Neef pour rallier les troupes, bref chaque nation, chaque marché veut rallier les troupes pour faire travailler son talent. Or, notre talent travaille beaucoup à l’étranger, et plusieurs artistes voudraient travailler davantage sur le marché local. C’est pour ça qu’on va créer des occasions. 

PAN M 360 :  Au-delà du bien fondé de cette initiative qu’est le Nouvel Opéra Métropolitain, quels en sont les avantages probants? 

MARC BOUCHER :  Nous voyons cette initiative comme une contribution à l’écosystème de l’art lyrique, qui honore notre double mandat, artistique et communautaire. Ainsi, nous voulons ajouter à l’offre lyrique au Québec en contribuant à l’embauche des chanteuses et chanteurs, considérant que nous avons actuellement le plus bel assemblage de belle génération montante et communauté établie d’artistes lyriques. À mon sens, il n’y a jamais eu autant de talent lyrique au Québec. À partir du moment où on accepte ces jeunes artistes dans nos facultés de musique et conservatoires, on doit en tant que société leur donner l’espoir de gagner leur vie dans leur domaine.  Ce qui n’est pas le cas présentement… De plus, nos aspirations artistiques contribuent au redémarrage, sinon à la mise à niveau de l’activité lyrique au Québec.  

PAN M 360 : Et quelles sont ces aspirations artistiques? 

MARC BOUCHER : La direction adoptée par le Nouvel  Opéra Métropolitain sera axée principalement sur le répertoire français d’opéra et d’opérette. On a tendance à l’oublier, l’opérette a connu de grands jours au Québec à une autre époque, y participait  alors un mélange de chanteurs et de comédiens.  Si on s’entend que Montréal est la ville la plus importante en Amérique du Nord, on a des acteurs tels Benoît Brière, Gildor Roy, Stéphane Rousseau qui peuvent chanter et s’inscrire dans des productions lyriques impliquant des chanteurs et chanteuses. 

C’est pourquoi nous croyons beaucoup au répertoire français et aussi nous croyons à l’opéra en anglais parce qu’il y a plein de choses à faire, notamment Haendel dans le baroque ou Britten dans la musique classique moderne. C’est pourquoi nous voulons ramener les troupes locales, interprètes, compositeurs orchestres, sur un horizon de trois ans. Ces économies d’échelle permettent la réalisation de projets très intéressants. Et tout ça passe aussi par une bonne salle. À Montréal, on sait que la salle Wilfrid-Pelletier n’est pas la meilleure qui soit, et que la ville mérite sa salle d’opéra de 1500 places où nous pourrions volontiers présenter nos propres productions.  C’est un besoin urgent! 

PAN M 360 : Mais Classica se déploie surtout sur la Rive-Sud, alors comment voyez-vous les choses?

MARC BOUCHER : Nous avons aussi un projet qui chemine en parallèle à celui du Nouvel Opéra Métropolitain, qui serait une salle de concert acoustique et non une salle multi-fonctionnelle. Nous visons une jauge de 870 places, nous avons déjà les plans et cette salle  qui pourrait voir le jour d’ici trois ans.   Au printemps dernier, d’ailleurs, nous avons présenté La Clémence de Titus de Mozart, l’expérience vécue y fut époustouflante parce que le public était à proximité des visages et des voix et des instrumentistes desquels ils pouvait s’imprégner. Nous pensons donc que l’opéra, dans des dimensions humaines, doit revenir en force dans le Grand Montréal. 

PAN M 360 : La première phase du Nouvel Opéra Métropolitain est échelonnée sur trois ans. Quels sont les projets sur la table?

MARC BOUCHER :  Voici:

* En 2023, les prochains projets seront mis de l’avant : une opérette de Jules Massenet qu’on a oubliée pendant 100 ans qui s’intitule L’adorable belle boule, comédie désopilante avec mise en scène de François Racine, costumes et une scénographie crée en phase avec les arts numériques d’aujourd’hui. C’est un incontournable, et les arts numériques offrent des possibilités absolument incroyables. Nous prévoyons un beau succès. 

* Ensuite il y aura Miguela,  testament lyrique de Théodore Dubois, un opéra redécouvert  récemment dans des voûtes de la Bibliothèque nationale de France. Nous travaillons là-dessus depuis plus de trois années.

* Nous proposerons également une création, sa musique sera composée par le Montréalais Airat Ichmouratov et le livret sera écrit par Bertrand Laverdure, inspiré de L’Homme qui rit de Victor Hugo. La distribution comprendra entre autres Jean-François Lapointe, Hugo Laporte, Florence Bourget. 

* Pour 2024, une œuvre est en préparation, impliquant le compositeur montréalais Jaap Nico Hamburger, qui portera sur la vie de Sarah Bernhardt, venue plusieurs fois sur scène à Montréal entre 1880 et 1917. On y met en parallèle deux périodes dont la similitude est ahurissante, soit le début du 20e siècle et le début de ce siècle pendant lequel les droites populistes s’affolent un peu partout. Incarnée par Marie-Nicole Lemieux, Sarah Bernhardt se présente comme une femme affranchie avec des amours fluides et une posture de libre penseuse qui n’a pas la langue dans sa poche. On mettra ça en parallèle avec un autre opéra assez troublant, Der Kaiser von Atlantis du compositeur Viktor Ullman, écrit dans le camp de concentration de Theresienstadt.  Il s’agit d’une œuvre  satirique sur le pouvoir de la mort, à la fois loufoque et terrifiante.

* Un opéra de Jean-Philippe Rameau sur instruments d’époque, est aussi prévu en 2024, on pense à Karina Gauvin et plusieurs autres pour la distribution.

* Pour 2025, nous avons acquis les droits du grand écrivain québécois Jacques Ferron pour la conception et la création de l’opéra Tinamer de Portenqueu.

PAN M 360 : On ne passera pas en revue les 22 programmes du prochain Festival Classica, mais pourriez-vous nous donner un aperçu de ses lignes directrices?

MARC BOUCHER : J’aime travailler sur ces thématiques, et ce sera cette année une édition italienne, qui nous mènera de Claudio Monteverdi à Ennio Morricone.  Autour de ce thème, j’ai voulu offrir une programmation cohérente avec une ligne directrice autour de la musique italienne, dont voici quelques exemples:

* Le concert Il était une fois Morricone sera dirigé par le violoniste Alexandre Da Costa et implique la chanteuse Florence K dans le répertoire d’Ennio Morricone.

* On interprétera aussi des œuvres de Nino Rota au festival, un autre grand compositeur associé au cinéma italien.

* Côtés baroque et classique, on fera les œuvres mystiques que sont les Vêpres de la Vierge de Monteverdi,  pas moins de cinq Stabat Mater soit de Pergolesi, Boccherini, Sances, Scarlatti et Vivaldi. 

* On découvrira en outre le compositeur peu connu et presque contemporain Alfredo Casella, un post-romantique très éclaté. 

* Nous ferons bien sûr Les Quatre Saisons de Vivaldi avec Arion Orchestre Baroque, cette fois sous la direction de la violoniste fançaise Florence Malgloire.

* Et puis, je me suis fait un petit plaisir avec Les Quatre Saisons recomposées par le post-minimaliste Max Richter,  interprétées dans ce contexte par le violoniste Marc Djokic et l’Orchestre de chambre de la Montérégie.
* Stori, le concert de clôture, mettra en relief la pianiste Élizabeth Pion, le violoncelliste Stéphane Tétrault et l’Orchestre symphonique de Laval dirigé par Alain Trudel.

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