Isotone : 5 ans de créativité et de poésie numérique

Entrevue réalisée par Elsa Fortant
Genres et styles : deep house / électronique / house

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Qu’arrive-t-il lorsqu’un peintre, deux musiciens et un designer se rencontrent ? Isotone, un collectif d’artistes multimédia, et ce n’est pas le début d’une mauvaise blague, plutôt celui d’une belle aventure. Une épopée qui les a menés à collaborer avec des institutions comme Québec Cinéma, le Nouvel Ensemble Moderne (NEM), Moment Factory, Mutek et MAPP. Le collectif soufflera ses 5 bougies samedi 6 mai et pour marquer le coup, les compères investissent rien de moins que la SAT en proposant un événement à leur image, multidisciplinaire. Au programme : jusqu’à 21h, une exposition intitulée Impermanences qui s’articule autour de la notion de transformation et qui deviendra la scénographie de la soirée musicale animée par les DJ locaux Ramzilla, Gene Tellem, Kris Guilty et Mok T. À quelques jours de cette grande célébration, PAN M 360 a échangé avec les quatre membres du studio pour revenir sur leurs réalisations et surtout se mettre en appétit pour samedi.

PAN M 360 : Présentez-vous et vos parcours en quelques mots 

Isotone : Isotone est né sous la forme d’un collectif d’artistes réunissant Hugo Fournier, Félix Bonjour, Bar Rubinstein et Lilian Guiran. En termes d’origines créatives nous sommes assez hétéroclites, Hugo vient de la peinture et de la création murale, Félix et Lilian de la musique instrumentale et électronique et Bar du design et de l’animation. Nous nous sommes retrouvés à la croisée de ces mondes pour partir en quête d’horizons nouveaux et les arts numériques ont été l’élément déclencheur de tout cela. Cela fait maintenant cinq ans qu’on explore ensemble cette voie de la création, qu’on se questionne et s’inspire mutuellement sur nos intentions au sein de nos projets communs et personnels, Isotone est un projet qui nous rend profondément heureux chaque jour. 

PAN M 360 : Comment est né le projet Isotone ? 

Isotone : L’histoire au complet est un peu longue à raconter, mais si on devait résumer en quelques mots, Isotone est né d’un concours de circonstances tellement improbable qu’on s’émerveille encore à chaque fois qu’on y repense. C’est fou qu’un tel enchaînement d’heureux hasard ait donné vie à ce qui, aujourd’hui, anime la nôtre. À peu de choses près, on ne se connaissait pas avant de monter le projet, une opportunité de performance de Vjing est arrivée de nulle part au moment où nous nous rencontrions, par hasard, par des amis d’amis. Aucun de nous quatre n’avait d’expérience là-dedans mais on a vite compris qu’on avait tous envie d’essayer et ça nous a suffit pour se lancer. On a essayé de comprendre ensemble les bases de la pratique et, 3 semaines après, on performait pendant plus de 6h devant 800 personnes dans une soirée techno (rires). On a d’ailleurs trouvé le nom du projet en une heure, entre deux tutoriels, parce que les gens de la communication avaient besoin de valider le design des affiches. C’était peut-être la cinquième fois de notre vie qu’on se voyait à ce moment-là et, comme le fait que cette initiative était un des plus beau choix de nôtre vie, on en a pas douté depuis. 

PAN M 360 : Comment se répartissent les rôles au sein du collectif ?

Isotone : On nous pose souvent la question mais, pour être honnête, ce n’est pas une science exacte. Vu qu’on à tout appris ensemble et qu’on se connaît par cœur, on a conscience des forces et des faiblesses de chacun mais ce qui prime avant tout c’est l’entraide et la curiosité. On ose se dire les choses, ce qui nous donne envie comme ce qui nous fait peur et, en fonction des disponibilités de chaque membre durant le projet, on se parle pour trouver la formule la plus juste. Bien sûr, nos origines créatives font qu’on a plus ou moins de facilités à faire certaines tâches, mais durant les cinq dernières années on s’est motivés les uns les autres à diversifier nos pratiques et ne jamais arrêter d’apprendre. Aujourd’hui, n’importe lequel d’entre nous pourrait assumer l’intégralité d’un projet multimédia seul s’il le fallait, même si c’est justement ce qu’on essaye d’éviter vu qu’on sait combien les projets sont poussés plus loin quand on à le bonheur de les développer ensemble. 

PAN M 360 : Vous fêtez vos 5 ans, l’occasion de regarder dans le rétroviseur. Quels ont été les rencontres et les moments importants qui ont permis à Isotone de devenir ce qu’il est ?

Isotone : Ça va être dur de citer tous les gens qui ont été importants pour nous ces dernières années, Isotone c’est avant tout une histoire de rencontre, des gens qui nous ont tendu la main et avec qui la confiance et l’estime se sont construits au fil des projets. Bien sûr, on ne peut pas s’empêcher de penser à nos premières performances Vj et autres scénographies numériques  avec la plupart des collectifs de musiques électroniques à Montréal. C’est un monde qui nous à forgé, qu’on a adoré explorer et qui continue à nous stimuler sans cesse. Il y a eu aussi les premières reconnaissances officielles par des gens du milieu comme le prix du jury Moment Factor qu’on à reçu pour notre création Prémices lors du festival MINUTES_MAPPING 2019 par MAPP MTL. Évidemment, comment ne pas citer aussi nos premières performances au dôme de la Société des Arts Technologiques (SAT), qui plus est sous l’égide de Mutek pendant leur évènement Dômesicle et en clôture de leur festival l’an passé, ça été profondément marquant pour nous tous. Enfin, il y a quelqu’un qui à une place particulière dans nos cœurs et dont la rencontre continue d’avoir une énorme influence sur notre studio, c’est Shandor Chury, le fondateur de OVVO studio devenu aujourd’hui un ami proche de tous les membres d’Isotone.

Cette question est difficile pour nous car on sait qu’on ne peut pas citer tout le monde, mais on espère sincèrement que tous les gens avec qui on à partagé des projections, des montages / démontages, des belles discussions ou même quelques pas de danse se reconnaitront et savent à combien nous sommes reconnaissants de tous ces moments passés ensemble.

PAN M 360 : Parmi tous les projets réalisés, quel est celui qui tient peut-être une place spéciale dans votre cœur ?

Isotone : La aussi, difficile de n’en choisir qu’un seul mais avec quelques années de recul, le projet Ingénu.e est sûrement un des souvenirs les plus forts du studio. C’était au tout début de l’histoire d’Isotone en 2018, par notre ami et DJ Djima on entend parler d’un festival organisant une résidence à Val-de-Reuil, une petite ville à côté de Rouen en France. On décide alors de joindre nos forces pour créer une performance live liant Vjing, musique et danse. Isotone était responsable de la partie visuelle, nos amis du 3.6 Studio s’occupaient de la musique et Ilan Gratini de la partie danse avec l’aide d’Ariane Servagent. Au bout d’un an de travail parsemé, à essayer de trouver des créneaux partout où on pouvait pour réunir la dizaine d’acteurs présents sur ce projet et avancer petit à petit, on se retrouve effectivement à la résidence du festival Les Effusions pour finaliser le show. Après un mois de travail continu sur place, on performe Ingénu.e, une réécriture contemporaine du livre de Voltaire portant (presque) le même nom, devant le public du festival. Quel moment magique, encore aujourd’hui on ne sait pas comment on à fait pour construire un aussi gros projet (1h de show live !) avec l’expérience qu’on avait à l’époque. C’était vraiment magique et fondateur pour la suite.

PAN M 360 : La création artistique numérique appelle souvent l’interactivité et l’immersion. Comment conceptualisez-vous ces deux approches et quelle place ont-elles dans votre travail ?

Isotone : On est conscient du côté inédit de l’art numérique, avoir accès à une telle pluralité de formes et d’outils pour un artiste est une chance incroyable, mais on sait aussi que cela peut influencer les créateurs à tendre parfois vers des intentions motivées plus par la technique que l’artistique… On se concentre toujours sur la notion de justesse, dans une réalité ou les outils nous permette de faire littéralement ce qu’on veut sans réelles limites, c’est essentiel pour nous de différencier ce qu’on veut faire de ce qu’on peut faire. On a la chance d’avoir une assez grande expérience technique par l’union de nos savoirs-faire et de nos expériences, mais on essaye constamment de faire en sorte que l’intégralité de nos décisions soient prises pour des raisons poétiques. Si l’œuvre appelle à de l’interactif, nous en mettrons, il en va de même pour l’immersif, le monumental, etc. mais ce n’est absolument pas une condition sine qua non et ce ne sera en aucun cas au budget ou au matériel de décider de leurs présences au sein du projet. On s’est fait la promesse de toujours mettre en avant l’intentionnalité et le sensible peu importe les conditions, l’entièreté de nôtre démarche est basée sur cela et on ne cesse jamais de se remettre en question pour conserver cette volonté.

PAN M 360 : Une partie du collectif est en France, quels sont les projets que développez outre-Atlantique ?

Isotone : Malgré le fait que les trois quarts des membres du studio sont installés au Québec depuis des années, nous sommes conscients du lien qui nous relie à notre pays d’origine, là ou vivent nos familles et la où nous avons grandi. Cela fait même quelques années que notre membre Félix Bonjour est installé sur Paris et nous affinons sans cesse notre workflow pour que le travail à distance soit le plus fluide possible. Nous profitons de cela pour faire de plus en plus de projets outre-Atlantique, et cela devrait continuer à augmenter au fur et à mesure. On parlait tout à l’heure de Shandor Chury et de son studio OVVO, il y a justement de grandes choses qui se préparent pour nous à ce niveau-là. On ne peut pas encore tout dévoiler pour le moment mais il est clair pour nous que la direction que prend le studio actuellement est plutôt internationale et que la France à été et va être le point de départ de beaucoup choses. Après, il est extrêmement important pour nous d’assumer notre amour pour le Québec, c’est ici que tout à commencé et c’est ici que tout continuera quoi qu’il arrive, Isotone est avant tout un projet Québécois, peu importe les vocations internationales. Bien sûr, on se questionne beaucoup sur la méthode, c’est une question trop épineuse pour pouvoir en faire le tour en quelques mots, mais tous les membres du studio ont une conscience écologique assez développée et nous essayons sans cesse de construire un processus permettant la diffusion de nos créations à l’international tout en faisant très attention à l’empreinte carbone du studio. Des artistes comme Joanie Lemercier sont pour nous une grande inspiration à ce niveau et nous motivent chaque jour à être un peu meilleurs que la veille.

PAN M 360 : À quoi peut-on s’attendre pour cette célébration à la SAT et que représente-elle pour vous ?

Isotone : Cette célébration est un accomplissement. Nous sommes tous d’accord pour dire que c’est notre plus beau (et notre plus gros) projet à ce jour. Faire des créations originales à toujours été ce qu’on préfère, autant dire que monter une exposition entière sur mesure, avec aucune autre contraintes que celles que nous nous posons nous même, et le tout dans un lieu comme la SAT, c’est un rêve à part entière. Pour l’exposition Impermanences, on à tout donné. On fait tout ce qu’on voulait faire sans aucune concession. Le fait d’être tous réunis, d’être complètement libres d’explorer la matérialité en plus du numérique, de composer les musiques et le visuel pour les quatres œuvres ensemble, de préparer des performances et même de pouvoir inviter nos amis pour des DJ sets toute la nuit est une telle chance qu’on a décidé de se lancer corps et âme dans ce projet et cela nous rend profondément heureux. On a bien hâte de partager ça avec tout le monde, de partager des moments d’échange et de festoyer avec tous les gens sur place ; il n’y pas un jour qui passe sans qu’on ai l’impression de vivre un rêve éveillé.

PAN M 360 : Quels sont les projets à venir ?

Isotone : Le premier projet qui nous vient à l’esprit sans aucune hésitation, c’est prendre un peu de repos (rires). Ces derniers mois étaient très chargés pour nous, mais les dernières semaines ont été d’une intensité rare. On a besoin de se prendre un peu de temps ensemble, entre amis, pour recharger les batteries et repartir de plus belle ! Évidemment, l’autre projet qui nous vient à l’esprit est de chercher d’autres contextes de diffusions pour les quatre installations que nous avons créées pour l’exposition Impermanences, afin de les laisser vivre et faire leur propre route maintenant qu’elle existe en notre monde et plus seulement dans nos têtes. Aussi, un autre projet qui nous tient énormément à cœur et sur lequel nous travaillons doucement mais sûrement depuis un an est notre premier live complet en tant qu’Isotone. Une performance live où nous sommes tous les quatre sur scène pour jouer en temps réel avec tous les médias que nous avons dans notre inventaire. On espère vous en dire plus sur ça tout bientôt, mais ce qui est sûr c’est que, même si repos il y a, on ne va jamais s’arrêter d’expérimenter et de créer tous ensemble et individuellement, tout plein de belles choses sont en route !

PAN M 360 : Quel souhait allez-vous faire lorsque vous soufflerez vos bougies samedi ?

Isotone : On se souhaite beaucoup de choses les uns les autres, mais ce qui ressort particulièrement c’est simplement de continuer sur cette voie faite d’estime et de tendresse pour pousser au plus loin le projet Isotone. On est profondément reconnaissant de la vie qu’on a et nous croyons que la plus belle chose qui pourrait nous arriver est de perpétuer ensemble, encore et encore, cette quête de poésie avec la même fougue qui nous anime depuis cinq ans maintenant.

ISOTONE FÊTE SES 5 ANS À LA SAT , 6 MAI 2023 À PARTIR DE 18h30

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