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Tous deux nés en 1685, Jean-Sébastien Bach et Georg Friedrich Haendel sont les grands compositeurs allemands au programme de cette soirée du Festival Bach, gracieuseté des London Handel Players. Prévue ce lundi 21 novembre à la Salle Bourgie, la connexion est idéale : un ensemble britannique joue Haendel, qui a passé le plus clair de sa carrière en Angleterre où la musique baroque a fleuri comme ce fut le cas en Allemagne, en France, en Italie, etc. Et c’est exactement pourquoi PAN M 360 s’entretient avec le violoniste, chef et directeur artistique des London Handel Players, Adrian Butterfield, joint en Angleterre avant la grande traversée.
PAN M 360 : Bien que Haendel ait vécu le plus clair de sa vie en Angleterre, le corpus de ce programme est allemand. On ne refera pas la biographie de J.-S. Bach et Haendel, vaut-il mieux commenter chaque pièce au programme.
ADRIAN BUTTERFIELD : Bien sûr! Eh bien, nous commençons avec la très belle sonate de Haendel en trio, Opus 5, No 1, en la majeur, HWV 396. Elle commence avec une de ses musiques préférées, je pense, car il l’a utilisée plusieurs fois, notamment dans ce que nous pourrions aujourd’hui appeler son concerto pour violon. Selon moi, il est très agréable qu’il ait ramené des morceaux de musique favoris plusieurs fois dans son œuvre. On peut dire à quel point il en était fier et voulait que plus de gens puissent l’entendre. Il faut aussi dire que cette œuvre est intéressante car elle nous permet d’observer une fois de plus qu’il a écrit de la musique allemande tout au long de sa vie. Et que nous sommes très chanceux d’avoir ces si belles œuvres à interpréter.
PAN M 360 : On passe ensuite à la Sonate pour violon et clavecin No 6, en sol majeur, BWV 1019, de J.-S. B., qui en précède deux autres.
ADRIAN BUTTERFIELD : Bach était un tel pionnier que nous ne le considérons pas comme un compositeur encore très moderne aujourd’hui. Il fut un visionnaire pour les siècles qui ont suivi son existence. Pour ce qui est de ces sonates, je pense que l’idée de mettre le clavecin au centre de la musique de chambre, puis des concertos, était vraiment nouvelle à l’époque. En un sens, il a initié l’idée de la sonate en duo ou en trio que son fils, Carl Philipp Emanuel, a repris comme l’ont fait Mozart et Beethoven par la suite. Il y a un véritable sens de la progression à partir de là. Il faut aussi rappeler que Bach et Haendel étaient les grands joueurs de claviers de tous les temps. C’est vraiment étonnant qu’ils soient nés la même année, à quelques kilomètres l’un de l’autre, et qu’ils ne se soient jamais rencontrés semble-t-il.
Ainsi j’ai joué ces sonates de nombreuses fois au fil des ans, mais c’était très agréable de les redécouvrir avec Silas (Wollston), notre claviériste, et nous avons passé beaucoup de temps à les jouer ensemble avec lui, ma femme et moi.
PAN M 360 : Votre femme étant la flûtiste Rachel Brown.
ADRIAN BUTTERFIELD : Oui! Quand nous nous sommes mariés il y a quelques années, nous avions déjà la plupart des objets domestiques dont nous avions besoin et nous nous sommes dit quoi, parce que les gens veulent toujours vous donner quelque chose pour votre mariage. Nous avons donc décidé de demander aux gens s’ils voulaient contribuer à l’achat d’un clavecin. Et nous avons alors commandé ce magnifique instrument. Ce qui est charmant parce que le groupe vient chez nous pour les répétitions. Nous ne sortons pas ce clavecin très souvent, pour éviter qu’il soit malmené. L’instrument ne voyage donc pas sauf pour les enregistrements en studio. Silas adore jouer sur cet instrument, il ne cesse de venir chez nous pour répéter. C’est super de le voir prendre autant de plaisir à utiliser ce clavecin.
PAN M 360 : La deuxième sonate en trio au programme est L’Offrande musicale, BWV 1079. Qu’en est-il?
ADRIAN BUTTERFIELD : C’est une de ces pièces épiques de Bach, exigeante tant pour l’auditeur que de l’interprète en termes d’efforts intellectuels à fournir pour écouter et apprécier. Cette pièce comporte tellement d’aspects étonnants et réfère à cette histoire fascinante de J.-S. Bach allant visiter son fils Carl Philipp Emanuel à la cour de Frédéric le Grand. Apparemment, on avait annoncé au fils que son vieux Bach était arrivé. Sur place, J.-S. Bach avait contemplé les instruments à clavier flambant neufs. Il semble aussi que Frédéric le Grand ait essayé de mettre Bach à l’épreuve en lui imposant des thèmes de fugues particulièrement difficiles sur lesquels il devait improviser et il avait réussi à faire une fugue à trois parties sur le champ. Mais il aurait apparemment dit qu’une improvisation sur une fugue à six parties était au-delà de ses capacités. Qu’il devait travailler là-dessus, ce qu’il fit bien sûr. Alors cette Sonate en trio comporte une construction à grande échelle, moment très spécial au milieu de l’œuvre. C’est effectivement très difficile à jouer, mais très stimulant. C’est une musique extraordinaire qui ne ressemble à rien d’autre.
PAN M 360 : Avez-vous construit ce programme spécifiquement pour programme au Festival Bach de Montréal? Ou bien vous présentez ce programme dans de nombreux endroits?
ADRIAN BUTTERFIELD : Nous l’avons déjà présenté auparavant, mais nous avons pensé que cela était particulièrement approprié pour le Festival Bach de Montréal. Nous sommes bien sûr les London Handel Players et nous avons un lien très fort avec le Festival Haendel de Londres, fondé en 1978. Une vingtaine d’années auparavant, la même organisation avait fondé un Festival Bach auquel nous avons participé. Nous partageons ainsi ces deux grandes passions à l’endroit de Haendel et Bach. Mais le fondateur du festival Haendel a également fondé un festival Bach 2025 ans auparavant, que je dirige toujours moi-même, de sorte que le bar peut manipuler ses deux grandes passions et je pense que c’est, nous avons tellement de plaisir à réunir les deux compositeurs. Ils sont des figures contrastées à bien des égards, Haendel étant obsédé par l’opéra et Bach n’ayant jamais eu la chance d’écrire un opéra, je veux dire écrire dans un style opératique à cette époque.
PAN M 360 : En tant que musiciens anglais, jouer Haendel et le mettre en relief avec Bach n’est-il pas un exercice extraordinaire?
ADRIAN BUTTERFIELD : Absolument. Haendel était un homme de théâtre et Bach un homme d’église. Et mettre les deux en relief représente un contraste fascinant. Ayant grandi à Londres et ayant vu tant d’endroits où Haendel a travaillé, c’est incroyable de se retrouver dans ces espaces où nous savons qu’il y a travaillé. Haendel fut un personnage si important à Londres, si dominant mais pas d’une manière désagréable. Évidemment, il avait eu quelques accrochages avec des musiciens, mais il exerçait une influence tellement positive et avait un merveilleux sens de l’humour. On dit qu’il lui arrivait souvent de parler dans plusieurs langues différentes à la fois, et que son accent allemand n’avait jamais disparu. Mais vous savez, il a beaucoup voyagé et s’est intéressé aux chanteurs et à la façon de les approcher. Et il avait cette capacité à vous frapper par l’émotion et cela se voit particulièrement dans la deuxième partie du programme de ce concert.
PAN M 360 : Vous parlez ici de Da tempeste il legno infranto et Se pietà di me non senti, arias de son opéra Cesare in Egitto, HWV 17.
ADRIAN BUTTERFIELD : Exact. Lorsque Rachel a fait ses recherches à la British Library, elle y a trouvé tous ces arrangements d’arias de Haendel pour flûte. John Walsh était son éditeur et avait vu une occasion de faire de l’argent à partir de ses arias les plus populaires afin que les gens puissent les jouer chez eux. Évidemment, l’enregistrement n’existait pas et c’était le seul moyen de réentendre les morceaux qu’ils avaient découverts à l’opéra ou dans les oratorios de Haendel. Et c’est étonnant de voir à quel point Haendel est direct avec ses émotions. Il tire vraiment sur la corde sensible et il sait comment vous persuader de la tragédie ou de la grande joie. Nous adorons jouer les arrangements de ces arias, nous en avons enregistrés il y a plusieurs années et nous avons exploré un certain nombre de nouveaux domaines depuis lors. Donc il y a un grand plaisir à jouer ces arias avant quoi Tilas jouera la Suite pour clavecin de Haendel, en fa majeur, HWV 427. Enfin, vous pourrez entendre la musique de l’autre grand claviériste au programme, soit la Sonate en trio, en sol majeur, BWV 1038, de Bach. Ces pièces représentent toutes un énorme défi pour ses interpretes.
PAN M 360 : Comment voyez-vous la progression du son collectif des London Handel Players et des sons individuels de chacun des principaux acteurs clés?
ADRIAN BUTTERFIELD : L’adaptation de l’ensemble à la flûte baroque fut important. Pour avoir joué avec Rachel pendant tant d’années, il m’est apparu essentiel d’écouter le son de la flûte et d’y adapter le son des cordes. Avec un hautboïste, par exemple, c’est un son complètement différent et les cordes doivent jouer autrement, car le son de la flûte baroque est plus doux de manière générale. Or, nous faisons les choses ainsi depuis plusieurs années et j’ose espérer que nous avons trouvé un bon mélange.
PROGRAMME
Georg Friedrich Haendel (1685 – 1759)
Sonate en trio, opus 5, No 1, en la majeur, HWV 396
Johann Sebastian Bach (1685 – 1750)
Sonate pour violon et clavecin No 6, en sol majeur, BWV 1019
Sonate en trio de L’Offrande musicale, BWV 1079
Georg Friedrich Haendel
Suite pour clavecin, en fa majeur, HWV 427
Da tempeste il legno infranto et Se pietà di me non senti, arias de Cesare in Egitto, HWV 17
Johann Sebastian Bach
Sonate en trio, en sol majeur, BWV 1038
MUSICIENS
London Handel Players
Rachel Brown, flûte
Adrian Butterfield, violon
Gavin Kibble, violoncelle
Silas Wollston, clavecin