Sur le microalbum de Zoon, Daniel Monkman aborde les mensonges de l’industrie pharmaceutique

Entrevue réalisée par Stephan Boissonneault
Genres et styles : expérimental / hip-hop / indie folk / shoegaze

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Daniel Monkman, auteur-compositeur-interprète, producteur et artiste « mocassin-gaze », a récemment lancé un microalbum intitulé Big Pharma. Il y aborde certains des problèmes liés à l’industrie pharmaceutique, notamment le fait de distribuer les médicaments les plus toxicomanogènes aux autochtones comme lui. C’est ce qu’il a constaté après être devenu sobre et avoir entrepris ses propres recherches.

Big Pharma a pour but de dénoncer les mensonges perpétués par l’industrie pharmaceutique. Monkman s’est donné pour mission de faire la lumière sur les origines infâmes de ce système et sur sa manipulation. Musicalement, Big Pharma ressemble beaucoup à l’indie-folk atmosphérique de l’époque Sea Change ou, plus récemment, Morning Phase de Beck. Daniel a également travaillé avec Cadence Weapon pour produire un morceau plutôt hip-hop. Nous avons discuté de l’écriture rapide de Big Pharma, de ses recherches sur l’industrie pharmaceutique selon une perspective autochtone, et de son amour de Beck.

PAN M 360 : Je ne m’attendais vraiment pas à un morceau hip-hop – Oil Pastel / Dopesick ft. Cadence Weapon – sur ce microalbum de Zoon, mais ça marche vraiment.

Daniel Monkman : Oui, c’est ce que j’espérais. Le hip-hop m’a beaucoup influencé, mais après avoir changé d’école, j’ai rencontré des punks et j’ai pris un chemin différent.

PAN M 360 : Vous pensez donc que vous auriez pu être un artiste hip-hop?

Daniel Monkman : Tout à fait. Et je peux toujours l’être… je le suis, en fait. Je me lance davantage dans la production et l’écriture de chansons pour des gens qui, depuis la sortie d’un microalbum, ont fait beaucoup d’autres types de trucs hip-hop. J’écris surtout de la musique pour les gens. C’est un peu ma façon d’entrer dans le monde de la musique.

PAN M 360 : C’est comme ça que vous avez collaboré avec Cadence Weapon sur le titre Oil Pastel / Dopesick?

Daniel Monkman : Oui, cette chanson était totalement différente. Elle comptait plus de parties et je l’ai en quelque sorte simplifiée. J’ai fait toute la musique et Rollie a fait toutes les voix et les principaux éléments. J’ai fait des chœurs et des mélodies.

PAN M 360 : Est-ce que vous avez discuté de la structure de la chanson ou ça s’est fait « freestyle »?Daniel Monkman : Je lui ai donné le titre et une version démo de la chanson, puis il s’en est servi. Je désirais voir les choses dont il parle en se basant sur le titre que je lui ai fourni.


PAN M 360 : Et il y a un thème central à ce microalbum. Ce n’est pas évident, mais même dans les noms des chansons, il s’agit de votre expérience quant à l’industrie pharmaceutique?

Daniel Monkman : Oui. J’ai cru comprendre qu’à l’époque où les traités ont été signés et que mes ancêtres se rendaient compte que les nouveaux arrivants n’allaient pas repartir, beaucoup de nos chefs ancestraux se sont réunis et se sont dit « Ok, nous devons commencer à penser à l’avenir de notre peuple, à établir notre place et notre société, puis à nous assurer que nous ne serons pas marginalisés ». Ils ont donc élaboré ces traités, qui prévoyaient certains privilèges que les autres peuples autochtones pouvaient avoir. Par exemple, l’école était gratuite, les soins dentaires ainsi que les médicaments étaient pris en charge. Et au fil du temps, beaucoup de ces choses ont été modifiées et triturées. Quand je suis devenu sobre, j’ai commencé à perdre mes illusions quant au Canada et à tous ces trucs; je me suis mis à remarquer que ce qu’on nous donnait, ou les seules choses qu’on nous offrait, étaient celles qui créaient le plus de dépendance.

PAN M 360 : Comme les médicaments?

Daniel Monkman : Oui. Et pour moi, ce n’était pas normal. J’ai donc commencé à faire mes propres recherches et à découvrir une sorte de génocide en cours. Nous croyons que cela n’existe pas parce que nous ne le constatons pas d’emblée, mais ce génocide est continu et actuel. Et j’en ai fait l’expérience dans ma ville natale du sud du Manitoba. C’est quelque chose qui m’a marqué, depuis que j’ai découvert ces vérités.

PAN M 360 : Vous vous êtes en quelque sorte donné pour mission, en tant qu’artiste disposant d’une plateforme, de parler de ces vérités?

Daniel Monkman : Oui, d’informer les gens là où je peux, d’essayer d’éduquer les autochtones qui choisissent les pilules en leur expliquant que ce n’est pas le bon choix; d’essayer de revenir à des moyens naturels de guérir le corps et l’esprit. Les compagnies pharmaceutiques ont une telle emprise sur tout le monde qu’elles pensent que les pilules sont la solution. Et il y a beaucoup de gens qui diront « Eh bien, les pilules fonctionnent ». Et c’est peut-être vrai, mais pas à long terme. Parce que la guérison qui doit se produire est tellement plus importante que le fait de prendre des pilules.

PAN M 360 : Alors pourquoi pensez-vous que ces médicaments subventionnés pour les autochtones sont ceux qui créent le plus de dépendance?

Daniel Monkman : Eh bien, ce n’est un secret pour personne que la Loi sur les Indiens visait à éliminer les autochtones, à les intégrer à la société afin que le gouvernement n’ait plus à s’occuper d’eux. Or, il ne s’agit pas tant de s’occuper de nous que de payer le loyer d’une maison dans laquelle ils ont investi, soit le Canada. Donc, moins ils ont à s’occuper de nous, plus ils peuvent engranger des profits. Ce que beaucoup de gens ignorent, c’est qu’un énorme fonds fiduciaire a été mis de côté pour les peuples autochtones. Une grande partie de cet argent ne provient donc pas des impôts, mais de l’argent que le gouvernement doit trouver lui-même. Le Canada est un pays très riche et quand vous allez dans une réserve, c’est comme un pays du tiers-monde.

PAN M 360 : Alors, vous étiez une victime de ce système? Avant de devenir sobre, je veux dire.

Daniel Monkman : En partie. La toxicomanie était une sorte d’automédication pour avoir été dans le système, dans des écoles très racistes, et pour avoir été arrêté par la police au hasard, juste parce que je marchais tard le soir. Et dans tout cela, il y avait le stress post-traumatique et le fait de ne pas avoir les bons systèmes en place pour vous aider. Il y a douze ou quinze ans, la santé mentale n’était pas un terme à la mode. J’ai donc trouvé d’autres moyens de m’en sortir, c’est-à-dire la toxicomanie. C’est incroyable que l’alcool soit si facilement accessible, mais pas les thérapies…

PAN M 360 : Je voulais parler de la chanson Red River. Elle produit une sorte de transe, comme si on était éveillé et endormi en même temps. Comment avez-vous trouvé cette atmosphère?

Daniel Monkman : J’ai acheté cette vieille guitare numérique Casio un jour où j’étais avec un ami. Je l’ai rapportée chez moi, j’ai commencé à jouer et je suis entré en transe avec ce genre de riffs. J’ai apporté la guitare à mon collaborateur Andrew McLeod, aussi connu sous le nom de Sunsetter. Et on a travaillé chez lui. J’ai fait la plupart des instrumentations, Andrew a joué de la batterie. Le fait d’être en studio est très inspirant. Il y avait des mélodies vocales et des choses comme ça, et c’était une chanson très pop. C’était très, très pop! Mais j’ai décidé d’enlever toutes les voix un après-midi et d’écouter comment sonnaient les instruments. Et je me suis dit, eh bien, ça marche mieux en instrumental.

PAN M 360 : Quand avez-vous créé Big Pharma? Juste après la sortie de Bleached Waves? Vous avez également entrepris le projet OMBIIGIZI avec Status/Non-Status, ensuite.

Daniel Monkman : Ce microalbum a été terminé très rapidement, il y a environ trois mois. Bleached Waves a été réalisé en 2017-18; pendant cette période, j’ai enregistré un album complet ainsi que deux ou trois microalbums. Mais celui-ci est le plus récent. J’étais juste assis à la maison et je l’ai enregistré en un mois. C’était très rapide, je me sentais très inspiré. C’était comme pour Bleached Waves , les chansons n’arrêtaient pas de surgir.

PAN M 360 : C’est toujours agréable quand on n’a pas besoin de chercher l’inspiration, elle vient tout simplement à soi. Ce microalbum me fait beaucoup penser à Morning Phase de Beck. Et je sais que vous avez repris Round the Bend.

Daniel Monkman : L’influence de Beck explique, en quelque sorte, pourquoi je suis devenu un musicien professionnel. Jusqu’à ce je l’entende, j’étais convaincu que je devais aller au conservatoire et devenir un musicien de formation classique, ou alors je ne savais pas trop… Ça semblait tellement inaccessible. Jusqu’à ce que j’écoute Mellow Gold. Alors je me suis « Oh, je peux juste faire ce que je veux »!


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