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Construite autour du legs exceptionnel de Claude Vivier, mort tragiquement il y a 40 ans cette année, la programmation de La Semaine du Neuf se conclut avec l’ensemble Paramirabo qui joue (notamment et carrément) la pièce Paramirabo, ce vendredi au Conservatoire de musique de Montréal. Pour faire encore plus « raccord », l’invité de PAN M 360 est le directeur musical de Paramirabo et aussi à la barre artistique du Groupe Le Vivier, dont le nom a été choisi pour les raisons qu’on imagine. Ainsi, sous la gouverne du flûtiste Jeffrey Stonehouse, Paramirabo explore deux œuvres du compositeur disparu ainsi que deux autres de compositeurs éminents qui furent aussi ses professeurs : Karlheinz Stockhausen et Gilles Tremblay.
PAN M 360 : Vous avez construit cette Semaine du Neuf autour de Claude Vivier, parmi les compositeurs québécois les plus joués dans la grande constellation de la musique contemporaine à l’échelle internationale. C’est votre première signature en tant que directeur artistique et on devine pourquoi vous avez choisi ce thème. Qu’en dites-vous?
JEFF STONEHOUSE : L’idée est de créer un événement entourant une thématique. Cette année, c’est Claude Vivier et pour les éditions futures, ce sera autre chose. J’aime cette idée des thématiques de liens avec un compositeur ou encore une autre forme d’art. Une thématique peut créer un déclic et un effet d’entraînement. Donc, il ne faut jamais exclure le potentiel de rejoindre le public en lui offrant quelque chose qui les intéresse.
PAN M 360 : Pour le bénéfice de notre public, rappelez-nous SVP pourquoi l’ensemble Paramirabo se nomme ainsi.
JEFF STONEHOUSE : Les membres fondateurs du groupe s’étaient rencontrés autour de cette pièce, et c’est pour ça qu’on a ce nom. En fait, on était des étudiants (au Conservatoire de musique de Montréal) dans la classe de musique contemporaine de Véronique Lacroix. On étudiait cette pièce, on jouait cette pièce. Pour moi, c’était mon premier point de contact avec Vivier à travers cette œuvre. Par la suite, ça m’a vraiment ouvert beaucoup de portes parce que j’ai écouté tout son répertoire et j’ai réalisé à quel point ça venait me chercher. C’est aussi le cas de Paramirabo, l’ensemble.
PAN M 360 : On observe que ce programme comporte des membres réguliers et des invités.
JEFF STONEHOUSE : Il n’y a rien ici pour la formation complète – Paramirabo est un sextuor. Ici, on se divise en sous-groupes pour jouer des œuvres de Vivier, Stockhausen et Tremblay, avec qui Vivier avait étudié.
PAN M 360 : D’après vous, quelles sont les qualités intrinsèques de Paramirabo, l’œuvre en tant que telle?
JEFF STONEHOUSE : Ce qui est intéressant avec l’œuvre Paramirabo, c’est que le trio flûte- violon-violoncelle est vraiment traité comme si c’était un seul « organisme ». Alors on observe plusieurs motifs en homorythmie, le blend est très important, la précision rythmique aussi. Le piano est ici un instrument presque soliste, il a sa partie propre. Une des choses me frappe toujours avec la musique de Vivier, il y a un mélange de complexité et de motifs presque enfantins . Dans Paramirabo, c’est à travers le sifflement des musiciens qui donnent ce ton plus enfantin. Aussi, les trois musiciens (flûte, violon, violoncelle) évoquent un peu la musique liturgique ou religieuse, comme un chant grégorien émanant des trois instruments qui en deviennent un.
PAN M 360 : Cette candeur soudaine chez Vivier, ces moments plus ludiques relaxent l’écoute après des passages plus denses, plus ancrés dans l’idée qu’on se fait de la musique contemporaine occidentale.
JEFF STONEHOUSE : Dans la musique de Vivier, il y a vraiment un côté émotif qui est présent. Parce qu’il y a aussi cette fascination avec la mort et un petit côté tragique qu’on entend aussi. Elle est légèrement moins présente dans Paramirabo que dans certaines autres.
PAN M 360 : Puisqu’on parle de Vivier, on va parler tout de suite de sa pièce Prolifération, qui est la conclusion du programme et le titre de votre concert. Après ça, on ira chez Stockhausen et Tremblay.
JEFF STONEHOUSE : Prolifération est une œuvre très intéressante. Il y a notamment la présence des Ondes Martenot jouées par Daniel Agnès. L’instrumentation est un peu étrange et ça donne une saveur assez particulière. C’est défi de mise en place pour les musiciens mais aussi de compréhension de la partition, de ces sections ouvertes qui nécessitent des choix parmi les interprètes.
PAN M 360 : Maintenant, si on regarde les interventions de chacun là dedans et le travail collectif. Comment voyez-vous tout ça dans ce contexte, dans l’interprétation que vous voulez faire?
JEFF STONEHOUSE : Oui, c’est sûr que là je parle à la place des collègues parce qu’il n’y a pas de flûte dans celle-là. Je dirais que le son collectif est traité différemment de Paramirabo. Prolifération est une œuvre qui vient tôt dans le répertoire de Claude Vivier – fin des années 60. Et donc le style est un peu différent. Je disais qu’à la fin des années 70, son style s’est davantage précisé et on découvrait des musiques plus typiques de son œuvre telle qu’on la perçoit aujourd’hui. Avec Prolifération, on voit une période différente du compositeur.
PAN M 360 : Passons maintenant aux œuvres au milieu du programme, d’abord celle de Stockhausen, Refrain.
JEFF STONEHOUSE : Le lien est évident : Vivier fut l’élève de Stockhausen. L’instrumentation de Refrain… c’est quelque chose! Piano, vibraphone, blocs de bois, célesta, composée un peu plus tôt que la pièce de Vivier, mais avec une instrumentation similaire. Et donc ce que je trouve intéressant, c’est qu’il y a une texture avec un court refrain qui revient. Les textures sont quasi transparentes et le public peut les percevoir en cours de route, ce qui en fait une œuvre très différente.
PAN M 360 : L’autre œuvre au programme est de Gilles Tremblay, qui fait partie de la première génération de la musique contemporaine au Québec, on parle de Pierre Mercure et autres Serge Garant.
JEFF STONEHOUSE : Oui je dirais que c’est la porte de la musique européene au Québec. Pour moi, ça passe surtout par Gilles Tremblay. J’adore Triojubilus. David Robbins et moi l’avons jouée 3 fois au cours des dernières années. C’est une œuvre à instruments un peu étranges. Ici on a la flûte traversière et un assortiment de cloches à vaches de toutes tailles – plus d’une quarantaine! Ça produit vraiment un effet où l’on ressent les musiques de gamelan. Il y a vraiment quelque chose de particulier dans la résonance des cloches à vache – que l’on pourrait nommer autrement… Triojubilus fait partie des œuvres influencées par les musiques de percussions en Asie, dont le gamelan balinais. La structure est intéressante Elle s’ouvre avec un solo de flûte assez meublé, puis la harpe et les cloches à vache agissent vraiment ensemble en homorythmie. On a encore, dans la musique de Tremblay des moments ludiques, jeux entre les interprètes. Par exemple, la harpiste doit répondre aussi rapidement que possible à des interventions de la percussion. Ça crée des moments presque comiques parfois, où les musiciens peuvent jouer des tours à leurs interlocuteurs.
PAN M 360 : Ces quatre œuvres créent un beau corpus et relancer l’œuvre de Vivier et ses collègues. On se réveille enfin !
JEFF STONEHOUSE : Au Québec, je trouve qu’on est un peu lent à se réveiller. En Europe, par exemple, son œuvre « pogne » beaucoup plus que chez nous. Je connais aussi un diffuseur de Toronto (Soundstreams) qui a fait sa carrière en bonne partie sur des adaptations de la musique de Claude Vivier. Il me dit qu’en Europe, il n’a aucun mal à imposer ce répertoire car il y a vraiment un intérêt. Vivier fait partie des compositeurs connus et admis dans les programmes de musique contemporaine. Or, ça fait 15 ans que je suis au Québec et je n’avais jamais entendu Bouchara jusqu’à la soirée d’ouverture de la Semaine du Neuf !
EN CLÔTURE DE LA SEMAINE DU NEUF, L’ENSEMBLE PARAMIRABO SE PRODUIT CE VENDREDI, 19H30, AU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE MONTRÉAL
INFOS ET BILLETS ICI
PROGRAMME
- Claude Vivier: Paramirabo , 1970
- Karlheinz Stockhausen: Refrain , 1959
- Gilles Tremblay: Triojubilus , 1985
- Claude Vivier: Prolifération , 1968 – 1969 (rév. 1976)
PARTICIPANTS
- PARAMIRABO
- JEFFREY STONEHOUSE (flûte)
- AYSEL TAGHI ZADA (violon – musicienne invitée)
- VIVIANA GOSSELIN (violoncelle)
- PAMELA REIMER (piano – musicienne invitée)
- DAVID THERRIEN BRONGO (percussions)
- DANIEL ÁÑEZ (célesta, ondes martenot)
- ROBIN BEST (harpe – musicienne invitée)