Chercher black midi à 14 heures

Entrevue réalisée par Patrick Baillargeon

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black midi lance Cavalcade, un deuxième album fort attendu qui ramène le désormais trio britannique sur les sentiers d’une musique alt-rock progressive débridée…. pour employer un euphémisme. À l’instar du précédent Schlagenheim de 2019, qui dévoila au reste du monde un groupe de jeunes musiciens virtuoses, capables d’incroyables prouesses techniques, piochant sans retenue dans le punk, le jazz, la musique expérimentale et le rock progressif comme des enfants dans une boîte de bonbons, Cavalcade, judicieusement titré, est un disque surprenant, difficile parfois, ambitieux, où se bousculent toutes sortes d’influences et d’ambiances. Le délirant premier extrait John L, paru en mars dernier, et le clip tout aussi dingue qui l’accompagne, a donné furieusement le ton pour ce qui restait à venir : Cavalcade est une chevauchée débridée dont on ne sort pas indemne. 

C’est à 14 h que nous avions rendez-vous avec Geordie Greep chez lui à Londres. Bien calé dans un fauteuil du sous-sol de sa maison, vêtu d’une chemise, cravate et d’un veston trop ample (un peu comme sur la photo de cet article), on dirait que le guitariste et principal chanteur de black midi s’apprête à passer une entrevue pour un poste de vendeur de voitures usagées. Imprévisible et parfois irascible, le talentueux musicien est plutôt de bonne humeur. Sans toutefois se répandre dans moult détails et anecdotes, il nous a parlé de Cavalcade, nouvel opus du combo londonien dans lequel on retrouve le bassiste Cameron Picton et le prodigieux batteur-percussioniste Morgan Simpson, complété par le saxophoniste Kaidi Akinnibi et le claviériste Seth Evans. 

PAN M 360 : Il n’est pas facile de décortiquer ce nouvel album, comment décrirais-tu Cavalcade dans tes propres mots ?

Geordie Greep : Des frissons non-stop, de l’aventure, de l’action, du drame, de la comédie, de la romance… il y a de tout, les plus hauts sommets et les plus bas.

PAN M 360 : Le mot « drame » revient souvent dans vos interviews et même dans votre communiqué de presse…

Geordie Greep : C’est un terme moins limitatif que disons… noise-rock ou R&B ou quelque chose comme ça. Lorsque vous avez un terme plus vague et émotionnel comme « drame » cela ne signifie pas que vous devez faire un type de musique spécifique, cela signifie simplement que vous pouvez l’utiliser comme guide pour faire de la musique qui a une forme de trajectoire ou de tension. Et je pense que le drame est une bonne chose à considérer, car on veut toujours que la musique soit excitante, qu’il y ait des moments sereins ou mélodiques, mais qu’il y ait toujours cette menace, cette tension, ce drame, et qu’on puisse toujours revenir à un moment calme…

PAN M 360 : La pochette semble représenter assez bien le contenu du disque, elle est dense et intense mais avec beaucoup de bleu, le bleu étant une couleur plus méditative, pas trop agressive. Vous avez choisi de travailler à nouveau avec David Rudnick, qui a réalisé la pochette de votre premier album. Est-ce que ce serait en quelque sorte votre artiste principal pour les pochettes, quelqu’un qui créé un style qui collera au groupe comme Vaughan Oliver l’a fait avec 4AD, Peter Saville avec Factory ou Malcolm Garrett avec les Buzzcocks ?

Geordie Greep : Nous aimons ce qu’il a fait sur le premier album, même s’il n’avait que peu de temps pour terminer cette couverture; il l’a fait en une semaine environ. Pour Cavalcade par contre, nous avions plus de temps et nous nous sommes dit que s’il était capable de faire ce qu’il a fait en une semaine pour le premier album, voyons ce qu’il peut faire pour celui-ci en quelques mois ! Comme la musique est maintenant assez différente par rapport à ce que nous faisions auparavant, nous étions assez curieux et excités de voir ce qu’il allait nous proposer pour Cavalcade. Il a une approche de l’art similaire à celle que nous avons pour notre musique. Vous prenez quelqu’un que vous appréciez et vous lui faites faire quelque chose en quoi il croit vraiment, sans essayer de l’édulcorer, mais en le laissant suivre ce qu’il pense être la bonne chose à faire. C’est bien de travailler avec quelqu’un qui connaît le groupe, qui sait ce que nous aimons. 

PAN M 360 : Comment construisez-vous vos chansons ? Est-ce que vous commencez par les paroles ou est-ce que vous travaillez sur la musique avant d’ajouter les voix ?

Geordie Greep : C’est deux choses distinctes pour nous. Nous travaillons sur les chansons ensemble ou quelqu’un compose seul à la maison et nous présente ensuite son travail et nous décidons alors qui va faire les voix. Et celui qui va faire les voix cherche tous les mots auxquels il peut penser qui correspondent le mieux à la chanson. Ce n’est peut-être pas la meilleure méthode parce qu’il n’y a pas forcément une conception très réfléchie dans la façon dont les paroles et la chanson s’accordent, c’est plus souvent une coïncidence; on trouve les mots qui vont le mieux avec la chanson plutôt que de construire paroles et musiques simultanément. Mais il y a deux ou trois morceaux sur cet album où les paroles et la musique ont été faites en même temps, construites l’une autour de l’autre.

PAN M 360 : Il semble que pour Cavalcade la musique découle moins de jams que sur l’album précédent. 

Geordie Greep : Sur le premier album, la façon dont nous composions les chansons était de jammer jusqu’à ce que nous ayons un couplet ou une sorte de refrain. Sur ce nouvel album, c’est plutôt un gars qui s’assoit et qui se dit « ok, faisons un couplet et faisons en sorte que le couplet s’adapte au refrain ». 

PAN M 360 : Quelles sont les principales différences entre Schlagenheim et Cavalcade ?

Geordie Greep : J’espère que les principales différences sont qu’il y a beaucoup plus de nuances et plus de dynamique, j’espère qu’il y a plus de couleurs. C’est juste un album plus intéressant je pense. Les chansons sont plus mélodiques et ont plus de longévité, ce qui signifie que vous pouvez les écouter plus longtemps sans vous ennuyer ! 

PAN M 360 : Qu’avez-vous essayé sur cet album que vous n’aviez jamais essayé auparavant ?

Geordie Greep : Je ne sais pas… C’était une méthode d’enregistrement assez similaire. À part les chansons écrites complètement différemment, nous avons utilisé un click track sur quelques morceaux, ce que nous n’avions jamais fait avant, parce qu’il y avait des parties dans ces chansons qui devaient être enregistrées séparément et il y avait aussi des chansons qui ne reposaient pas tellement sur le tempo push and pull comme beaucoup de nos autres chansons. 

PAN M 360 : Vous avez aussi utilisé des instruments différents pour ce nouvel album, non ?

Geordie Greep : Oui, mais c’était la même chose pour le premier album, nous avons profité de ce qui se trouvait dans le studio. Tu sais, s’il y a un instrument qui traîne, pourquoi ne pas l’utiliser quand c’est possible ? C’est bien de tirer le meilleur parti de l’endroit où l’on se trouve. Mais je pense que beaucoup de ces overdubs et de ces instruments étranges sont pas mal plus apparents sur cet album, car sur Schlagenheim, tous ces instruments différents que nous utilisions étaient souvent noyés dans le mix ou sonnaient comme quelque chose d’autre. C’était moins évident qu’il y avait un large éventail d’instruments sur le premier album. 

PAN M 360 : J’ai même vu que vous aviez utilisé un wok ? Comment et sur quelle chanson a-t-il été utilisé ?

Geordie Greep : Oh oui (rires). Je crois que c’est sur Diamond Stuff. Morgan (Simpson) utilisait un archet sur le côté d’un bol ou d’une poêle à frire pour produire une sorte de son fantomatique comme on le fait avec les cymbales, il ne s’en servait pas comme percussion.

PAN M 360 : Parle nous un peu de l’enregistrement. Je pense que vous êtes allés dans un studio en Irlande pour faire un démo mais vous avez fini par enregistrer la plupart de l’album là-bas ?

Geordie Greep : Nous y sommes allés pour enregistrer quelques titres, juste pour voir comment c’est de travailler avec John Murphy, le réalisateur de l’album. Mais l’atmosphère était vraiment bonne et les chansons sonnaient vraiment bien aussi, alors nous avons fini par enregistrer tous les titres de l’album à quelques détails près. On a fait tout ça entre deux confinements. Tu sais, nous avions tout ce temps libre et cela aurait été une tragédie de ne pas en profiter. Si nous étions restés à la maison et n’avions rien fait, cela aurait été une grosse perte de temps. 

PAN M 360 : Matt Kwasniewski-Kelvin a-t-il collaboré à l’album avant de quitter le groupe ? 

Geordie Greep : (hésitant)… C’est arrivé en quelque sorte avant que nous enregistrions l’album et même avant que nous écrivions les morceaux. Il a travaillé sur deux chansons que nous avons écrites il y a quelques années et que nous avons mises sur l’album, mais pour le reste, il n’y a pas pris part. 

PAN M 360 : Comment avez-vous fait face ou vous êtes-vous adaptés à son départ ?

Geordie Greep : La situation avec Matt s’est développée avec le temps, on voyait ça venir, donc il n’y a pas eu de changement soudain. Au final, c’était plutôt cool sur certains morceaux de se retrouver en trio, ça ajoute un élément plus spacieux. Sur des morceaux comme Dethroned, on est comme une sorte de power trio, comme le Jimi Hendrix Experience ou The Police, c’est génial de s’amuser avec ce genre d’espace parfois. Cela a probablement aussi changé le processus d’écriture parce qu’il y a un chef de moins dans la cuisine, tu comprends ? On ne sait pas s’ il va revenir, on verra…

PAN M 360 : Votre label propose ce concours Golden Ticket, où un ticket sera inséré dans un album Cavalcade aux États-Unis et un autre au Royaume-Uni et qui donnera la chance aux gagnants de pouvoir soit avoir black midi comme groupe pour un événement de leur choix, soit une journée en studio avec le groupe pour une collaboration créative, ou des places pour deux personnes pour tous les futurs concerts mondiaux de black midi pendant 10 ans, mais il y a aussi un flexi-disc assez spécial qui accompagne certains de vos albums, de quoi s’agit-il au juste ?

Geordie Greep : Nous avons demandé à différents disquaires indépendants du monde entier de dresser une liste de dix chansons qu’ils aiment, et de demander à leurs clients de voter pour celle qu’ils préfèrent afin que nous puissions la reprendre. Cette chanson figurera sur un flexi-disc qui accompagnera notre album, mais qui ne sera disponible que chez le disquaire ayant voté pour la chanson que nous avons reprise. Il y a donc autant de chansons que de disquaires différents, ce qui signifie que ce ne seront pas les mêmes chansons sur tous les flexis, selon le magasin où vous achetez le disque. C’était vraiment amusant de le faire parce qu’il y avait une grande variété de morceaux. Nous avons fait des chansons comme Nothing Compares 2 U de Prince, 21st Century Schizoid Man de King Crimson, Psycho Killer des Talking Heads, Love Story de Taylor Swift, une chanson de Captain Beefheart… un mélange assez amusant !

AUSSI SUR PAN M 360, LA CRITIQUE DE L’ALBUM CAVALCADE, PAR ALAIN BRUNET

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