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Particulièrement prolifique avec un album et plusieurs EP sortis durant l’année écoulée, Priori s’exprime sous différents pseudonymes. Récemment avec RED, le plus « spontané » selon ses ami.e.s, il est aussi la moitié d’ANF, de MSL et de Ntel. Le producteur montréalais a également monté le projet musical Jump Source – qui est également un studio d’enregistrement – avec Patrick Holland. Avec Adam Feingold, alias Ex-Terrestrial, il est à la tête du label NAFF, dont la dixième sortie est prévue pour la fin du mois.
À la manière d’un explorateur spatial, Francis Latreille nous invite à découvrir ses planètes techno, IDM, deep house, acid, dub techno ou même break (liste non exhaustive). Impressionnée par sa capacité à nous emmener dans des directions différentes sans jamais nous perdre ni faire de compromis sur la qualité de ses productions, je l’ai rencontré à l’aube de ses 30 ans et à quelques jours de son deuxième passage à MUTEK.
PAN M 360 : Comment compartimentes-tu, arrimes-tu tes différentes personnalités musicales ?
Francis Latreille : Pour moi, c’est vraiment juste une façon de pouvoir faire de la musique à chaque jour. Je pense que si j’avais seulement un projet et que j’essayais toujours d’avoir un style unique, je n’y arriverais pas, parce que mon état d’âme change trop. J’ai pratiquement toujours plusieurs projets en même temps, c’est difficile de travailler sur juste un album, par exemple. On absorbe ce qu’il y a autour de nous. Ça change de jours en jours, alors j’écoute mes émotions et je vois ce que ça donne.
PAN M 360 : Parmi tes derniers projets, il y a de nombreux remix, celui que tu as fait pour Gilb’R et Ariel Kalma, mais aussi un EP de morceaux issus de ton album On a Nimbus, revisités entre autres par Roza Terenzi et Beta Librae. Le remix est un principe fondateur des musiques électroniques, comment approches-tu l’exercice ?
Francis Latreille : C’est comme une belle façon de déclencher des accidents potentiels qui ne seraient pas arrivés autrement, de tomber dans une direction ou t’aurais jamais été, et je trouve ça vraiment intéressant. Gilb’R m’a écrit une fois qu’il avait terminé l’album avec Ariel Kalma et c’était justement super le fun parce qu’ils ont utilisé plein d’instruments avec lesquels je ne travaille pas habituellement. Pour les remix de mon album, on reconnaît les sons que j’ai choisis, mais c’est tellement loin des originaux ! Les artistes ont fait ce qu’ils voulaient et ils y ont mis leur personnalité, donc je trouve ça beau.
PAN M 360 : J’aimerais revenir sur la notion d’accident, est-ce que c’est quelque chose qui fait partie de ton processus de création au quotidien ?
Francis Latreille : La musique électronique comme je la connais et comme je l’imagine, c’est l’expérience de pouvoir mettre en place des paramètres qui permettent l’expérimentation et qui vont nous emmener vers des places intéressantes. C’est beaucoup d’essais/erreurs, sauf qu’avec le temps, on fait de meilleurs essais, donc de meilleures erreurs (rires). Ça se fait avec le temps, on apprend en sortant des disques, on voit les résultats. On met en place de meilleurs paramètres, on s’installe mieux dans notre pratique et on est plus susceptible d’attraper les bons moments, de les reconnaître quand ils arrivent.
PAN M 360 : Tu y portes une attention particulière et tes inspirations sont nombreuses du côté de la science-fiction. Quelle est la place de l’image dans ton processus de création ?
Francis Latreille : Ça arrive pendant que je crée. J’ai souvent une image devant moi quand je fais de la musique. Je commence avec une image ou quelque chose que je viens de lire; ça peut être un jeu vidéo, un film… Je vais m’imprégner d’une scène, d’une image qui peut être très floue comme très précise et d’une certaine façon ça dicte le mood. L’idée peut ensuite être élargie par la vision d’un designer graphique; avec NAFF on collabore beaucoup avec Jesse Osborne-Lanthier.
PAN M 360 : As-tu déjà fait de la musique à l’image ?
Francis Latreille : Non, peut-être éventuellement. Les bandes-son, c’est toujours quelque chose que j’ai adoré, souvent je regarde un film juste pour ça !
PAN M 360 : Quelle est la dernière bande sonore qui t’a marqué ?
Francis Latreille : Un de mes amis m’a recommandé un court métrage d’animation récemment qui s’appelle Noise Man Sound Insect (1997), de Koji Morimoto. Dans la bande-son, il y a du jungle des années 90, je pense qu’il y a du Photek, du Aphex Twin… plusieurs artistes mythiques de cette époque-là, puis je trouve que le parallèle entre la musique et les visuels est absolument incroyable, c’est vraiment une expérience à regarder.
PAN M 360 : Ta performance à MUTEK va être un peu spéciale, comment conçois-tu de jouer devant un public assis ?
Francis Latreille : Je ne savais pas jusqu’à très récemment comment ça allait se passer, les détails en tout cas. J’ai commencé à préparer un set en n’ayant aucune idée de combien de personnes seraient là, comment elles seraient installées. C’est sûr qu’à ce point-ci, je ne peux pas vraiment changer ce que je fais pour accommoder ça, mais j’espère que la musique va parler d’elle-même, elle peut s’apprécier sans avoir à danser nécessairement.