Tess d’Über-voix

Entrevue réalisée par Luc Marchessault

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Ideas of Space, l’album que Tess Roby a fait paraître en avril dernier, peut susciter chez le musicophile des interrogations sur la singularité d’une œuvre. D’où vient ce caractère singulier? Comment l’explique-t-on? Sans doute par le parcours de l’artiste. Par ses influences conscientes ou pas, jusqu’à un certain point. Probablement par sa formation et ses formateurs musicaux. L’un des aspects distinctifs de la musique et des textes de Tess réside dans ce qu’ils évoquent : des mondes doux et flous, anciens et à venir, des songes éveillés et des flottements diurnes où ne rôdent ni craintes ni regrets. Pan M 360 a pu poser à Tess Roby quelques questions sur la création d’Ideas of Space, sur l’étiquette SSURROUNDSS qu’elle a créée, sur ce qui distingue ce nouvel album de Beacon, paru en 2018, ainsi que sur un cercle de pierres se trouvant à Stanstead, dans les Cantons de l’Est.

Pan M 360 : Bonjour Tess! Tu as vraiment déjoué la « malédiction du deuxième album » avec Ideas of Space. Beacon était impressionnant, et Ideas le semble davantage, ne serait-ce que parce qu’il offre deux chansons de plus. Es-tu aussi ou plus satisfaite de ce nouvel album?

Tess Roby : Beacon a été écrit et enregistré en 2016. Donc au moment où il est sorti en 2018, j’avais l’impression qu’il n’était pas forcément aussi représentatif de moi-même en tant que musicienne que je l’aurais souhaité. J’ai quand même vraiment aimé les chansons et j’y ai cru. Quant au nouvel album, la chanson la plus récente a été terminée l’année dernière, au printemps. Il me semble donc plus représentatif de moi-même, en tant que productrice et musicienne. Il s’est écoulé quatre ans entre la sortie des deux albums, et encore plus si l’on pense au moment où Beacon a été écrit et enregistré. Je suis donc confiante, pour Ideas of Space.

Pan M 360 : Avais-tu déjà ta propre étiquette, SSURROUNDSS, ou est-ce nouveau?

Tess Roby : C’est nouveau, Ideas of Space est le premier album publié par SSURROUNDSS.

Pan M 360 : Parlons maintenant de ta voix. Elle est pure, à la fois très réelle et éthérée. Elle semble venir de temps immémoriaux. Quelle formation particulière as-tu eue, et comment fais-tu pour l’exercer?

Tess Roby : J’ai chanté avec la Canadian Children’s Opera Company, de huit à seize ans. Nous travaillions sur des opéras et nous faisions beaucoup de musique chorale et classique, ce qui m’a permis de m’initier à la voix et aux harmonies. Et cela m’a aussi donné cette discipline de pratiquer et de répéter. C’était donc une chose très intéressante à faire pour moi, en tant qu’enfant ou ado. Nous faisions des tournées en Europe et je chantais dans les grandes salles d’opéra de Toronto, avec la Canadian Opera Company. Je suppose que cela m’a beaucoup inspirée. Et maintenant, je ne chante plus avec une chorale ou quoi que ce soit. Je chante vraiment pour moi-même et j’écris des chansons.

Pan M 360 : Je suppose que l’auditeur peut ressentir toute cette formation derrière ta voix. Et musicalement, tu parviens à créer des sons électroniques qui donnent l’impression d’être futuristes, mais aussi vintage sur certaines chansons. Comment équilibres-tu l’utilisation de synthés vintage et de la technologie de pointe?

Tess Roby : J’évolue toujours en tant que productrice. Je travaille avec des synthés neufs et vintage. J’ai écrit beaucoup de mes chansons avec mon Roland Juno 106 pour Beacon. Pour ce nouveau disque, j’en ai ajouté, comme le synthétiseur Waldorf Blofeld. Mais j’écris et je produis de cette manière très intuitive. Personnellement, je ne suis pas influencée par des artistes ou des chansons précises. J’écoute beaucoup de musique. Et j’écoute de la musique nouvelle, mais je n’essaie vraiment pas de recréer le son de quelqu’un d’autre. J’utilise les synthétiseurs d’une manière très unique, pour sculpter un son, qui sera façonné ou influencé par des trucs plus vintage, mais aussi pour créer mes propres trucs au fur et à mesure.

Pan M 360 : C’est vrai, parce que d’habitude, c’est assez facile d’identifier les influences. Mais dans ton cas, c’est assez difficile, voire impossible. Certains passages me rappellent des choses que j’ai écoutées, mais encore une fois, c’est vraiment difficile d’identifier quoi que ce soit.

Tess Roby : Pour moi, c’est le plus grand compliment, parce que ma musique vient d’un lieu très honnête et intuitif. Nous avons cette tendance – et ce n’est pas faux – à comparer les artistes. Je fais de la musique, de l’art, parce que je dois le faire. Je n’ai pas envie d’adopter le son de quelqu’un d’autre ou quoi que ce soit. J’espère donc continuer comme ça.

Pan M 360 : Ce sont des temps difficiles, peut-être pas pour tout le monde, mais pour beaucoup de gens autour de nous. Ton nouvel album sort au bon moment, car il possède des propriétés apaisantes. Je serais curieux d’entendre ce qu’un musiconeurologue en dirait. J’espère qu’on se passera le mot! Tu as eu de nombreux collaborateurs sur Ideas of Space. Austin Tufts, du groupe Braids de Calgary, a travaillé sur la partie percussion. Joseph Shabason s’est occupé des bois et de certaines percussions. Ouri, qui est violoncelliste mais aussi productrice et bien d’autres choses, joue du violoncelle sur une chanson. Et il y a la guitare d’un certain Eliot Roby sur Eyes Like Babylon. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces collègues musiciens?

Tess Roby : Avant ce disque, je n’avais jamais collaboré avec d’autres artistes pour ma propre musique. C’est Sebastian Cowan d’Arbutus Records qui m’a présenté Austin, qui a été mon principal collaborateur sur ce disque. La première fois que nous nous sommes rencontrés, nous étions en studio, en train d’écouter mes chansons dans le but de collaborer pour les percussions. Et c’était avant que la pandémie n’arrive. Donc la première fois qu’Austin et moi sommes entrés en studio ensemble, c’était en février 2020. Nous avons fait peut-être trois jours d’enregistrement pour la batterie. Nous avons planifié nos prochaines dates de studio, mais ensuite la COVID a frappé. Ensuite, il y a eu cette gigantesque pause d’enregistrement. J’ai vraiment arrêté de faire de la musique. J’ai arrêté de penser au disque, tout a été mis sur la glace pendant presque une année entière.

À cause de ça, Austin a pris un rôle plus important. On a trouvé le moyen d’aller en studio ensemble, en janvier 2021. Et puis il a commencé à faire plus de travail pour l’enregistrement. Nous avons commencé à faire plus de boulot sur la batterie électronique. Austin a fini par dire « Qui va mixer ce disque? ». J’ai répondu que je ne savais pas et il a dit « OK, laisse-moi mixer une chanson pour toi, et dis-moi ce que tu en penses ». Il m’a envoyé le premier mix d’Ideas of space. J’étais en larmes, ça a atteint un tout autre niveau. Je l’ai donc invité dans tout mon univers sonore, ce qui n’est pas une chose facile pour moi.

Quant à Joseph Shabason, nous avons figuré ensemble sur une compilation en 2020. J’adore sa musique et je lui ai demandé s’il voulait collaborer. Nous avons donc fini par travailler ensemble. Dans les chansons sur lesquelles il figure, je pense qu’il a apporté beaucoup de vie. Je n’avais jamais travaillé avec ces éléments acoustiques auparavant, comme le violoncelle d’Ouri. C’était vraiment cool de produire ces chansons d’une manière que je n’avais jamais faite auparavant. Quant à Ouri, nous nous connaissions. Je l’admire, c’est une personne très, très inspirante pour moi.

Pan M 360 : Seront-ils là avec vous sur scène, pour votre concert du 2 juin au Centre Phi?

Tess Roby : Malheureusement non. J’ai vraiment essayé de faire venir des gens. Tout le monde est de nouveau en tournée, les musiciens revivent. Mais j’ai mon frère, qui prendra l’ avion pour venir jouer avec moi. Ce sera un spectacle incroyable, le groupe montre beaucoup de puissance sur scène.

Pan M 360 : J’ai hâte d’y assister. Une dernière chose : j’ai remarqué que la vidéo de la chanson-titre a été tournée à Stanstead. Ma famille avait un chalet à Fitch Bay, un hameau qui a été fusionné à Stanstead. Je n’y suis pas allé depuis longtemps, je ne savais pas qu’il y avait une structure ressemblant à Stonehenge à Stanstead!

Tess Roby : Toute la vidéo a été tournée dans les Cantons de l’Est en trois jours, avec une toute petite équipe d’amis proches. J’ai trouvé tous les lieux de la vidéo d’Ideas of Space sur mon téléphone avec Google Maps. Alors quand j’ai trouvé le cercle de pierres, j’ai su que c’était parfait. Nous étions en contact avec la ville de Stanstead et son maire, pour nous assurer que nous aurions ce lieu de tournage. J’ai donc eu beaucoup de chance!

Pan M 360 : Oui, à environ une heure et demie de Montréal! Merci beaucoup pour cette entrevue, Tess. Et encore bravo pour l’album.

Tess Roby : Je te suis reconnaissante de tes bons mots sur l’album et de la possibilité d’interview. Je n’en ai pas eu beaucoup à Montréal, je suis très heureuse d’en avoir un peu avant l’autre lancement au Centre Phi.

POP Montréal Présente Tess Roby + Thanya IYER au Centre Phi, le jeudi 2 juin 2022 à 20 h.

Photo : Ryan Molnar.

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