La dénomination de la « musique classique » est fascinante. Pour plusieurs, la musique classique est celle de Beethoven, de Mozart ou encore des compositeurs européens ayant vécu à des époques aujourd’hui éloignées. Rafael Payare et l’OSM éprouvent assurément un plaisir à démontrer qu’il existe d’autres compositeurs de musique savante venus de différentes contrées qui méritent amplement leur place dans une programmation symphonique.
Le concert de mercredi soir était un concert signature pour Payare. En exposant différents compositeurs sud-américains, on est sorti des habitudes du concert symphonique. Les surprises et les éclats ont été nombreux et peu dans le public sont restés indifférents. C’est un chef énergique, charismatique, presque dansant, et un orchestre tout aussi fougueux et en contrôle qui ont offert un spectacle mémorable.
Les joyaux du programme sont les éclatantes Variaciones concertantes de Alberto Ginastera. Construites avec un thème en quartes, on se sent immédiatement touché par la sensibilité de l’écriture et par l’énergie des phrases musicales. Un sentiment d’équilibre rempli l’œuvre. Presque toutes les sections ont droit à leur solo et on ne sent pas réellement de favoritisme, autre peut-être pour la harpe qui évoque la guitare. Une œuvre excellente, fraîche et enlevante.
Le pianiste espagnol Javier Perianes prête son jeu au très évocateur Concerto pour piano Ephemerae de Jimmy López Bellido. Dédiée spécifiquement au soliste, on a la chance de voir toute l’élégance et la sensibilité de son jeu à travers les différentes images et odeurs évoquées par la partition. On reconnait plusieurs styles et presque emprunts faits ici et là aux compositeurs antérieurs, mais toujours avec une touche personnelle. L’objectif synesthésique de la partition a un succès fondamentalement mitigé, étant donné la subjectivité intrinsèque du phénomène. Perianes a séduit la salle et a offert en rappel le Notturo, op. 54 no. 4 de Grieg. Il a su démontrer une grande présence sur scène, combinée à un grand talent et une grande sensibilité.
Les Bachianas brasileras no. 8 de Heitor Villa-Lobos semblaient rendre hommage aux formes courantes de l’époque baroque et à Bach en particulier. On retrouve une Toccata qui ne semble par réellement évoquer celle de Bach, mais qui reproduit sa vitesse et son énergie. Elle extirpe des applaudissements sincères de la part du public. La Fugue en finale est réalisée en main de maître et on admire la clarté de l’écriture et de l’interprétation. La montée rapide et soudaine vers la conclusion est intéressante, débutant par un grondement et terminant avec un éclat saisissant, et on applaudit chaleureusement. La partition reste moins remarquable que les œuvres précédentes, mais l’intensité enivrante plait clairement au public.
Le carrousel des influences latines et hispanophones se termine par le célébrissime Bolero de Ravel, qui est exécuté avec brio. Élaborer sur cette œuvre serait ultimement redondante, on ne la présente plus, mais on peut toujours s’amuser du fait qu’il ne s’agit, dans l’absolu, que d’un exercice de composition de la part d’un compositeur qui s’est longtemps battu pour la musique libre et sans carcan de la forme, quelque peu à l’opposé de ce qu’est le Boléro. Un classique parmi les classiques, la pièce est exécutée avec une sensibilité qui se morphe petit à petit en une intensité mémorable, à l’image de l’orchestre.
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Crédit photo : Gabriel Fournier