Je ne suis pas allé à tous les concerts de ce Suoni 2025 (il me faudrait posséder le don d’ubiquité pour ça), mais ma menue expérience de shows de toutes sortes me permet d’affirmer que la soirée d’hier était probablement l’une des plus mémorables de cette édition du festival de musiques d’avant-garde et expérimentales.
Étaient présents (et pas à peu près) sur scène : le duo albertain de Jairus Sharif et Mustafa Rafiq, le quartette montréalais Egyptian Cotton Arkestra et la bassiste bruxelloise Farida Amadou. L’intensité, ou plutôt les intensités musicales offertes ont dessiné un large sourire sur les mélomanes de la Casa del popolo (nombreux).

Sharif et Rafiq (saxo et guitare + modulations électroniques) ont amorcé la soirée avec leurs vagues d’abstraction moléculaires, s’amplifiant vers une marée de saturation timbrale enveloppante. Ont suivi les quatre membres du Egyptian Cotton Arkestra (James Goddard, saxophone, Lucas Huang, percussion, Markus Lake, basse, et Ari Swan, violon) et leurs constructions lentes mais irrémédiables, et surtout irrésistiblement excitantes, façon gros build-up qui part de presque rien pour atteindre un déchaînement de puissance free. Ce groupe est au jazz ce que Godspeed est au rock.
Farida Amadou, seule avec sa basse, ne s’en est pas laissé imposer. La dame extrait une remarquable force de frappe sonore de son instrument, qu’elle joue de façon totalement originale, souvent comme un instrument de percussion (posé à plat sur ses genoux, et frappé de toutes les manières et avec toutes sortes de baguettes). Ses architectures sonores, sculptées avec soin, sont faites de saturation et de drones rythmiques à travers lesquels se faufilent quelques motifs thématiques. Du bruitisme pulsatif inspirant et addictif!
ÉCOUTEZ L’ALBUM WHEN IT RAINS IT POURS DE FARIDA AMADOU, SUR BANDCAMP
Et puis, comme un gros bonus pour le public attentif et participatif, Jairus, Mustafa et les quatre acolytes de l’Egyptian Cotton Arkestra sont venu rejoindre Farida et ont jammé ensemble deux décharges d’adrénaline jouissives, véritables tsunamis sonores de liberté et d’incandescence créative. On en aurait pris une autre heure, facile. On se permettrait même de suggérer à Jairus, Mustafa et Farida de s’installer à Montréal juste pour les réentendre régulièrement nous offrir ce genre de catharsis holistique et libératrice. C’est vache pour l’Alberta et pour Bruxelles, mais quand c’est bon comme ça, on est justifié d’être égoïste.
Encore! Encore!